Le Bagarreur (Hard Times, 1975)

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Simple et direct comme un uppercut, la première grande réussite de Walter Hill

Le temps d’un brillant début de carrière (de ce Hard Time jusqu’à Extrême Préjudice) Walter Hill fut considéré comme le digne descendants des franc tireurs les plus talentueux de l’âge d’or Hollywoodien, de Robert Aldrich à Samuel Fuller en passant par le plus contemporain Sam Peckinpah pour lequel il écrivit le scénario de Guet-apens (et auquel il rendit un bel hommage avec Extrême Préjudice). Ces comparaisons flatteuses viennent de l’approche de Hill aux antipodes des canons esthétiques expérimentaux et stylisés du moment et où tout respire le classicisme maîtrisé. Le récit est construit de manière à aller d’un point A à un point B de façon linéaire et sans digression ni fioritures narratives, les émotions naissent de la mise en scène simple et épurée ainsi que d’une caractérisation des personnages laissant toujours une certaine place au mystère quant à leur nature qui se dévoile plus par leurs actes que par leur paroles. Toutes ces qualités étincèlent dans cet inaugural Hard Time et nombres de ses premiers films.
 
L’histoire est donc ici des plus simples. Chaney (Charles Bronson), hobo sans le sous, décide de s’associer au manager roublard et gouailleur Speed (James Coburn) sur le marché florissant en pleine crise des années 30 de la boxe clandestine. On assiste ainsi aux haut et bas de l’entreprise, de son lancement à sa conclusion, la tournure des évènements nous permettant de cerner progressivement les personnages. Charles Bronson est l’acteur idéal pour un réalisateur tel que Walter Hill. Peu disert, en apparence uniquement motivé par le gain et évitant toute forme d’engagement trop profond, son Chaney est également un être à la droiture imperturbable et jaugeant autrui en un regard (voir la scène où il refuse sans ménagement l’offre de Gandil). Bronson prolonge en quelque sorte la figure de son légendaire Harmonica d‘Il était une fois dans l’Ouest, mais sans le motif de la vengeance et le voile de mystère qui le rendait si fascinant. Ici il semble être un simple produit de la Grande Dépression souhaitant juste survivre tranquillement du gain de ses combats et faisant un pas en arrière lorsque la possibilité d’une relation sentimentale plus poussée se profile. Comme souvent avec Charles Bronson, sous cet air taciturne se distille une profonde lassitude et mélancolie dans le geste et le regard qui permet de tout imaginer quant aux raisons de cette attitude et valant toutes les lignes de dialogues superflues. La facette plus chaleureuse est donc dégagée par un excellent James Coburn, parfait en manager flambeur et risque tout. C’est par lui et ses problèmes financiers se développent finalement la facette dramatique d’une histoire aux enjeux réduits au strict nécessaire.

 

 
La présence des deux acteurs et ce contexte social amène une forme de continuité à cette idée de classicisme qui fait clairement de Walter Hill (à l’instar d’un Carpenter) un vrai héritier des Ford, Hawks et autres Raoul Walsh. Par la suite les autres films de Hill seront volontairement moins riche et obéissant plus à des squelettes d’intrigues et de concept (gendarme et voleur et rien de plus pour The Driver, survival pour Sans Retour, course poursuite avec Les Guerriers de La Nuit tous avec une influence constante du western) des acteurs moins charismatiques en seront réduit à leur simple fonction à l’écran dans une épure toujours plus appuyée. Walter Hill exprime encore sobrement ici une approche postmoderne de cette tradition classique puisque contrairement au modèles précités et malgré le cadre de la Grande Dépression on ne trouve guère de message social et/ou politique ici.
 
 

 
 
Ce ton tout en retenue fonctionne également pour les différents combats émaillant le film. La simplicité de Hill y fait merveille, la caméra est au plus près des combattants, le découpage sert au mieux les mouvements et les différents coups portés (très bon montage de Roger Spottiswood) et quelques plans en plongée sur l’arène permettent de définir l’évolution des personnages dans le cadre de l’action. Bronson sec et affuté n’est que vélocité et précision enchaînant les esquives inattendues et les coups dévastateur (ce premier combat où il allonge un adversaire d’un coup de poing) mais Hill n’en fait pas un être indestructible pour autant et c’est bien son intelligence et sa tactique (le combat le plus dur en conclusion sera celui dont il n’a pu observer son adversaire au préalable) qui lui permettent de décimer des adversaires plus jeunes et imposants. Aucune musique où dramatisation exacerbée ne vient troubler les affrontements, l’émotion naît au rythme des halètements, des impacts de coup reçu et donné et des visages éprouvés des combattants. Cette absence d’artifice fait vraiment merveille notamment dans la tension extrême du dernier combat plus incertain. La belle conclusion est à l’image de la sobriété traversant tout le film, d’une sentimentalité diffuse mais bien présente et auréolant son héros d’une même opacité indéchiffrable. Belle entrée en matière pour Hill qui poussera ses principes à la quasi abstraction dans son second et meilleur film, l’excellentissime The Driver.
 

Titre original : Hard Times

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Durée : 93 mn


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