L’Arbre et la Forêt

Article écrit par

Au milieu d’un paysage cinématographique français pourtant pas en franche révolution, L’Arbre et la Forêt se dresse comme un étonnant monolithe, une surcharge de traditionalisme et de nostalgie. Le postulat de départ était pourtant presque inédit, à savoir la déportation des homosexuels par les nazis durant la seconde guerre mondiale. De l’aveu même des deux […]

Au milieu d’un paysage cinématographique français pourtant pas en franche révolution, L’Arbre et la Forêt se dresse comme un étonnant monolithe, une surcharge de traditionalisme et de nostalgie. Le postulat de départ était pourtant presque inédit, à savoir la déportation des homosexuels par les nazis durant la seconde guerre mondiale. De l’aveu même des deux réalisateurs, l’exploitation de cette thématique est passée à la trappe pendant l’écriture après que le gouvernement français a reconnu officiellement la déportation homosexuelle. Perdant ainsi leurs velléités militantes, Martineau et Ducastel décident alors qu’il est dorénavant inutile de s’intéresser au sujet, reniant ainsi le statut et les vertus fondamentales de la fiction pour mieux apauvrir les enjeux dramatiques et humains à la base du projet.

Las, le scénario se construit désormais autour des figures les plus usées et caricaturales de tout ce que le cinéma français a pu produire, sans recul ni ambition. Les deux français alignent alors les scènes de repas, les larmes et le vent dans les arbres à un rythme lénifiant, visant à surligner les atermoiements d’une famille bourgeoise qui à peine sortie d’un enterrement découvre le secret de Frederick (Guy Marchand) enfoui pendant des décennies. Personnages-fonctions taillés à la serpe, mise en scène quasi-inexistante, lumière naturaliste et écriture maladroitement pompeuse, L’Arbre et La Forêt devient alors une machine à voyager dans le temps, destination Antenne 2 au début des années 90, feuilletons de l’été… Que Ducastel et Martineau soit d’improbables nostalgiques, c’est indiscutable, mais on ne sent aucune envie de bien faire, aucun plaisir dans l’exécution du style. L’unique sensation palpable pendant une heure trente, est la souffrance des acteurs pourtant talentueux et sympathiques (Guy Marchand et Catherine Mouchet en tête). Mais l’écriture est tellement lourde et maladroite qu’elle sonne dans la bouche des acteurs comme du velours qu’on aurait voulu faire rentrer à grands coups de burin lors d’une douloureuse direction d’acteurs. Ces derniers, à l’instar de François Négret ou Françoise Fabian, incitent pourtant à la clémence et tentent désespérément d’apporter par leur charisme, la consistance qui manque à leur personnage.

Le dernier acte achève malheureusement toutes ces bonnes intentions en traitant la révélation du secret avec une lourdeur et une dureté telles qu’on se croirait revenu cinquante ans auparavant dans le traitement de l’homosexualité. Preuve finale que L’Arbre et la Forêt parvient à échapper totalement à son époque, pour s’échouer dans un hermétisme qu’il serait bien vain de vouloir percer.

Bonus DVD : Paragraphe 175 (1h21)


Présent en bonus de cette édition de L’Arbre et la Forêt, Paragraphe 175 mérite à lui seul l’achat du DVD. Ce documentaire très dur de Robert Epstein et Jeffrey Friedman sur la déportation des homosexuels arrive à point nommé pour combler les lacunes historiques du long métrage de Martineau et Ducastel. Paragraphe 175 prend en effet à bras le corps son sujet en combinant images d’archives inédites et témoignages douloureux. L’homosexualité n’étant pas moins taboue après la guerre qu’avant, la plupart des survivants semblent s’être éteints dans le silence, souvent avant que leur statut d’ancien déporté ne leur soit octroyé. Si tout ou presque semble avoir été dit sur cette période noire, Epstein et Friedman montrent que certaines facettes de l’Histoire restent encore scellées par une douleur indicible et interrogent la figure complexe du témoin, de celui qui doit raconter en dépit d’une réalité personnelle meurtrie. Le résultat est concis, efficace et d’une grande dignité. Narré par l’acteur Rupert Everett, Paragraphe 175 se permet même un superbe portrait du Berlin de l’entre-deux guerres, période d’émancipation (relative) pour les homosexuels allemands, illustrée par des photographies d’époque qu’on devine rarissimes. Indispensable.


Partager:

Twitter Facebook

Lire aussi