L’Année du requin

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Film hommage aux « Dents de la mer », hélas un peu trop franchouillard.

Filmer la menace

Sans doute le film de l’été, si la canicule pousse les récalcitrants à trouver une seconde vie dans les salles climatisées désormais désertes, quelle tristesse. C’est sans doute à ce cinéma populaire dans tous les sens du terme qu’ont pensé les frères jumeaux Boukerma, auxquels on doit Willy 1er (2017) et Teddy (2020), deux longs métrages dont le plus récent a été récompensé par deux prix au festival du film fantastique de Gérardmer en 2021. Leur dernier opus est un vibrant hommage bien sûr au cultisme Dents de la mer de Steven Spielberg (1975) et c’est bien sûr fièrement revendiqué par les réalisateurs : « Souvent, le film de requin, ça devient vite parodique, déclarent-ils dans le dossier de presse du film. Là, on avait vraiment envie de revenir à l’essence du genre : c’est-à- dire filmer avant tout une menace dans un décor qui normalement ne s’y prête pas, la plage. Le requin, c’est le monstre de l’été, celui qui vient gâcher la fête. Pour nous, là, il y a matière à « cinéma », il y a quelque chose à filmer et à raconter. »

Marina Foïs convaincante en gendarmette

Ceci dit, le résultat est quand même assez décevant, sans doute par manque de moyens et d’ambition, et donne un film assez franchouillard non dépourvu cependant d’un certain charme surtout grâce au talent de Marina Foïs qui montre encore une fois toute l’étendue de sa palette dans le rôle de Maja, une gendarmette des Landes obligée de prendre une retraite anticipée avec son mari dans un mobil-home du camping le plus proche. L’arrivée d’un requin bouffeur de nageurs va la sauver et lui donner l’occasion de devenir une véritable héroïne. C’est sur cet écheveau assez ténu que le film s’est bâti et c’est sans doute pourquoi il manque un peu de souffle. Même Kad Merad a l’air de s’ennuyer un peu et les vannes et astuces sont assez plan-plan pour donner lieu au film populaire qu’ils rêvaient sans doute de faire. Pourtant, on n’a pas lésiné sur les effets, assez gores il faut le dire, sur un suspense parfois bienvenu et des moments de rire qui apportent un plus à ce film familial qui ne cartonnera sans doute pas cet été hélas. Mais l’intention vaut l’action dit-on.

Les limites du cinéma français ?

Encore un film de pandémie, concocté pendant le confinement et qui, aux dires de Zoran Boukerma, possède un sens caché qui devrait aussi nous faire réfléchir sur notre monde moderne ultra-connecté. « On envisage tous les deux le cinéma de genre comme une façon de parler du présent. La période des attentats en France a beaucoup marqué l’écriture de Teddy. Grâce au genre, on se sentait capable d’affronter et de parler de tout ce qui se passait autour de nous. Et très vite, on s’est rendu compte que ce requin qui vient gâcher l’été, cette menace venue de nulle part, qui rôde et qu’on ne voit pas pendant longtemps, faisait écho avec ce qu’on était tous en train de vivre. A travers ce requin, on pouvait surtout brosser le portrait d’une France qui râle, d’une France qui s’agace, d’une France des réseaux sociaux et quelque chose s’est débloqué à l’écriture. » Nous y voilà, le cinéma français ne se contente pas de tenter de faire de bons films, il faut qu’il donne à penser. Et si c’était là son vrai problème ?

 

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Durée : 87 mn


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