L’amitié masculine chez Judd Apatow

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La sortie DVD presque simultanée d´ »American Trip » de Nicholas Stoller avec celles des rééditions Blu ray des deux premiers films de Judd Apatow, « 40 ans toujours puceau » et « En cloque, mode d´emploi » nous permettent d´analyser la représentation de l´amitié masculine dans ces films labellisés « Apatow ».

Les deux premières réalisations de Judd Apatow sont orientées autour d’un personnage masculin qui galère littéralement face à la gent féminine se trouvant dans une histoire d’amour qu’il ne maîtrisera jamais. Pourtant, ce sont vraiment les relations entre l’anti-héros de l’histoire et ses potes qui nourrissent le récit et attirent le plus l’attention. Dans 40 ans toujours puceau, Andy (Steve Carell) n’a ni amis, ni petite amie. Le film se concentre sur son parcours chaotique vers la perte de sa virginité mais surtout sur son cheminement vers une amitié masculine. Andy doit trouver des amis avant de trouver l’amour. Un dépucelage d’amitié qui est représenté autour d’une table de poker entre collègues qu’il connaît à peine. Dans une conversation à caractère sexuelle (omniprésente chez Apatow), ils découvrent sa virginité et scellent ainsi leur amitié. Peu de moqueries ou d’humiliation dans cette scène, chez Apatow les hommes se soutiennent : « Your dick is my dick » lui assène un collègue devenu ami et premier confident.

La bande de potes chez Apatow est un refuge. La famille est absente ou inefficace. Seuls les amis servent de confessionnal et dénouent les soucis intérieurs. Est-ce à cause du traumatisme du divorce de ses parents que Judd Apatow sublime les relations entre amis et se désintéresse de l’aspect familial ? Dans En cloque, mode d’emploi, Ben (Seth Rogen) apprend qu’il va être père d’une demoiselle qu’il a rencontrée un soir. Il tente d’obtenir quelques conseils de son père complètement à côté de la plaque et doit forcément se tourner vers ses potes. Les personnages d’Andy et Ben se nourrissent de leurs relations avec leurs amis. Qu’ils leurs proposent des conseils farfelus, qu’ils les induisent en erreur ou qu’ils tombent juste, ils participent grandement à leur construction de soi.

Dans ces groupes d’amis, chacun a une personnalité forte mais compose un ensemble solide. Ils possèdent quelque chose qui les unit plus que tout : cette faculté masculine rare à assumer d’être parfois et souvent un loser. Comme en mathématique, en s’associant, deux losers motivés gagnent une force les poussant à combattre leurs peurs et leurs limites. Andy, seul dans une boîte de nuit est un puceau timide et terriblement fragile. C’est accompagné de ses nouveaux amis qu’il réussira à aborder des filles et se sentir plus cool jusqu’à quitter les lieux avec une jolie conquête certes saoule mais c’est un bon début. Ben réussit à intéresser une jolie blonde (Katherine Heigl) mais a du mal à conclure. C’est grâce à l’intervention d’un de ses potes qu’il trouve le courage de retrouver la fille pour la séduire avec succès. Dans ces deux films, la participation des potes dans la réussite personnelle des personnages principaux est décisive et indispensable. Il n’y a d’ailleurs étonnamment aucune représentation d’une quelconque concurrence à l’intérieur des bandes d’amis. Cette amitié s’assimile largement à un amour partagé où l’épanouissement de l’autre est un épanouissement personnel représenté par cette réplique d’un pote de Ben : « Quand tu couches avec elle, j’ai l’impression qu’on couche tous avec elle ».
American Trip se focalise davantage sur la création d’une histoire d’amitié entre deux personnages, une rock star sur le déclin (Russell Brand) et un jeune fan bossant dans une maison de disque (Jonah Hill). Aldous Snow est un chanteur jouisseur anglais qu’Aaron doit accompagner plusieurs jours jusqu’à son concert au Greek Theater de Los Angeles. Cette fois-ci, le film raconte le parcours vers l’amitié voire vers l’amour entre deux hommes qui ne se connaissent pas. Une amitié qui se matérialise par une acceptation des défauts et des qualités de l’autre. Aldous ne comprend pas la simplicité et le conformisme d’Aaron dépassé par les bienfaits de l’improvisation et de la recherche constante du plaisir prôné par le chanteur. Ils se comprendront l’un l’autre progressivement par différentes étapes, en utilisant la voie sinueuse des bons et mauvais conseils (avec une présence familiale encore quasi-nulle et dépassée) et en partageant surtout de grand moments légendaires de délires ahurissants.
Chez Apatow et ses disciples, pour adouber une histoire d’amitié entre des hommes, il faut accomplir ensemble un certain nombre de bêtises et déballer un nombre inimaginable de vannes pourries. Un retour en enfance permanent et salutaire pour apprécier le temps passé à plusieurs. Dans 40 ans toujours puceau, c’est après une soirée mémorable à boire et à faire n’importe quoi avec ses collègues qu’Andy comprend inconsciemment qu’il possède désormais de vrais amis. Faire les cons entre potes est considéré dans ces films comme le début d’une relation tel un premier baiser dans un couple. Et une vanne outrancière comme une belle preuve d’amour…


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