La Poison (1951)

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Couple de braconniers.

Cinéaste « sans préméditation », Sacha Guitry déroule toujours plus ses talents de réalisateur à partir des années 50. La Poison confirme la modernité cinématographique et l’inventivité artistique de celui qui considérait si peu le septième art. L’œuvre s’ouvre sur une séquence de plusieurs minutes où Guitry se livre, avec son allure de dandy, à une série de louanges dédiées à ses acteurs et techniciens. Exercice dont il est devenu coutumier et qui garde encore aujourd’hui sa force novatrice. A son habitude, sa faconde est verbeuse et enjôleuse, particulièrement vis-à-vis de Michel Simon, qu’il loue comme l’un des plus grands acteurs de son temps, parfois d’une croustillante roublardise (ainsi dit-il à certains : « Si vous aviez moins de talent, je resterai quand même votre ami. »), ou ironique, lorsqu’il passe devant le décor de prison prévu pour le film en disant : « Quant à ce décor, il a été fait d’après mes indications et je vous jure qu’il est exact ! ». Quelques années seulement après qu’il ait été arrêté et incarcéré, soupçonné d’être trop proche de l’occupant allemand pendant la guerre… La Poison, comme son titre l’indique, est à l’image du piquant esprit de Sacha Guitry.

 


« J’en peux plus de ma femme ! »

Il suit les jours alourdis de Paul Braconnier (Michel Simon), auquel l’acteur, traits bouffis et corps empâté, bas du visage de dogue, prête son physique usé, à la bonhomie un peu fatiguée. Exaspéré par sa femme (Germaine Reuver), dont la présence semble l’infecter de jour en jour, il envisage de la tuer, un projet qui devient plus imminent alors qu’un soir il voit à la télévision un as du barreau, Maître Aubanel (Jean Debucourt), se vanter de n’avoir que des acquittements à son actif (et combien). Malin sans être foncièrement calculateur – c’est ce qui fait la singularité du personnage – Paul Braconnier veut préparer son acquittement, en allant exposer les conditions de la mort de sa femme à l’avocat, avant même d’avoir tué celle-ci ! « Et qu’est-ce que vous lui reprochez ? » lui demandera Maître Aubanel : « d’être là. » dira-t-il tout simplement. Une simplicité dans la volonté de supprimer l’autre sur laquelle Guitry, à coups de dialogues incisifs, fait tenir tout son film.

 







« Une espèce de monstre qui tient à la fois de la chimère et du clown »

On suit avec délice les manigances de Braconnier pour arriver à ses fins, qualifié par son avocat « de monstre qui tient à la fois de la chimère et du clown », tandis que Guitry multiplie les scènes comiques, à l’image de ce plan où les époux Braconnier dînent face à face, à table, semblant chacun davantage répulsé par l’autre, elle affalée sur la table, la bouteille de vin sous le bras, au son d’une chanson en off : « pigeon pigeonne, nous nous adorons toujours ». Une ironie redoutable jaillit des plans, une sournoiserie malicieuse, presque potache. Guitry dessine des plans originaux pour appuyer la mise en scène de Braconnier : le hors champ d’un voisin qui écoute ses racontars où il cherche à suggèrer que sa femme le trompe pour justifier son assassinat, le hors champ de sa femme au sol, ivre mais…pas encore morte. Dans la dernière partie, celle-ci,  avant de mourir, témoignera du même dessein que lui et c’est pour cette raison, qu’un peu plus tôt au début du film, elle s’en allait acheter de la mort au rat à la pharmacie…Premier à la course à l’assassinat, c’est son mari qui réussira à la supprimer en premier avant de se rendre et d’attendre tranquillement son procès, persuadé d’être blanchi. Le réalisateur use alors d’un montage alterné, à mesure que cette affaire fait le tour du village, et que les enfants se mettent à jouer aux mari et femme qui s’entretuent, instillant des réparties aussi cyniques que drôles. Sacha Guitry témoigne, une fois de plus, avec La Poison, qu’il sait braconner avec talent et audace sur des terres de création éloignées de son cher théâtre.

Titre original : La Poison

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Durée : 85 mn


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