La Marea

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La Marea est un de ces films rares qui sort du schéma classique narratif pour laisser place à la révélation et à la découverte. Une expérience.

Azul fuit. Elle part se réfugier sur une plage déserte pour oublier le décès de son mari et de son fils. C’est au rythme de la mer qu’elle tente de se reconstruire. Une chienne blessée sera son compagnon de voyage, un pêcheur pourrait lui apporter un peu de vie.

Rien de plus classique et de plus universel qu’une femme endeuillée, tentant d’oublier la mort de son fils et de son mari. Mais Diego Martinez Vignatti, pour son premier film, sort du carcan narratif classique et se laisse guider par son héroïne. Il laisse les paysages primitifs et une femme mutique aux prises avec la Nature comme dernier affront à la vie. Le réalisateur argentin offre une interrogation sur l’incapacité à accepter le deuil, dans un style pouvant être qualifié d’expérimental.

Grâce à la simplification de l’histoire et à l’épure de la mise en scène, D.M Vignatti parvient à surprendre par la densité et par l’épaisseur de son film. Délaissant les mots pour le langage des signes, il emprisonne son héroïne dans un espace triptyque et contradictoire, ultime passage avant la mort et apparemment seul échappatoire au deuil. Le talent fut de ne pas tomber dans le piège d’un espace clos, facilement symbole de l’emprisonnement, mais d’étonner par l’incommensurable étendue des paysages. Normalement synonyme de liberté, leur ambivalence corrobore le long processus du deuil, restituant le chemin long, laborieux, répétitif et courageux précédent l’appréhension de la mort et de l’acception d’une disparition.

Paradoxalement, c’est dans cette nature vierge, dénuée, au premier abord, de menaces, que se réhausse la fatalité, la prison dans laquelle se trouve Azul. Prédestinée, comme l’indique son prénom qui renvoie au bleu de la mer, Azul abandonne son deuil impossible. Elle quitte la forêt, cette réserve de vivres ; progresse sur la plage désertique et enfin se jette dans la mer, filmée tel un rouleau compresseur, celui qui l’attendait inévitablement. Ce travail anodin est pourtant empli de sens et de vérité, et compense l’absence de scénario. D. M.Vignatti impose La Marea dans un cinéma façonné par la nervosité et l’envie d’extérioriser des questionnements douloureux. Il y parvient dans un langage organique, une lenteur invitant les instants de vide, plus radicale et efficace que n’importe quelle nervosité exacerbée.

Plus proche de Kieslowski que de Bergman, La Marea est un film perturbant et difficile d’accès. Mais cette distance est amoindrie par le travail minutieux de la bande son. Le bruissement sourd du vent, le ressac incessant des vagues parachèvent les dimensions inquiétantes de l’espace et accompagnent intelligemment les images en dehors du champ de la caméra.

Titre original : La Marea

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Durée : 83 mn


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