La lumière est belle, c’est celle de l’été et ce pourrait être celle de l’insouciance, du rugby et des plaisanteries salaces entre copains. Mais l’horizon de l’usine de tissus se noircit peu à peu à cause de la concurrence mondiale, et la vie des ouvriers devient un combat quotidien. Se souvenant en effet qu’il a travaillé dans la plupart des films de Kechiche (Vénus Noire (2010), La graine et le mulet (2007), L’esquive (2004) et La faute à Voltaire (2000)), Olivier Loustau manie la caméra au plus près des visages pour tenter de pénétrer au cœur de cette lutte des classes et c’est plutôt très réussi surtout qu’il a choisi un thème semblable à celui qui a fait connaître Laurent Cantet en 2000 avec Ressources humaines. Le patron de l’usine vient d’engager une ergothérapeute, Alix (Christa Théret), qui va s’intéresser de près à la manière dont les ouvriers travaillent dans l’usine et, bien sûr, elle tombera sous le charme de son « cobaye » Vital, comme par hasard, interprété par Olivier Loustau. Bien sûr, la lutte des classes règne ici en maître surtout lorsque les autres ouvriers apprennent que cette ergothérapeute, non contente d’être suspectée de vouloir supprimer des emplois, est de surcroît la fille du patron. On reconnaît ici la thématique tragique du film de Laurent Cantet, profondément œdipien, puisqu’un jeune DRH était chargé de dégraisser le personnel de l’entreprise qui l’avait engagé, dont son propre père. Mais La fille du patron chemine sur d’autres voies, en alternant un humour hérité des comédies à l’italienne (selon les dires du réalisateur) et une forme de drame moderne tout en nuances et en sincérité. Par moments, on aurait presque l’impression de voir un documentaire tellement le réalisme est profond et une mention toute particulière doit être accordée aux séquences consacrées au rugby. Outre qu’il n’est pas facile de filmer le sport en général, le film excelle à passionner le spectateur, même le plus récalcitrant, à ce sport compliqué et enfantin, se servant de la faconde des ouvriers de l’usine engagés dans le team Tricot, et desquels ressort la personnalité magnifique et la beauté solaire de Stéphane Rideau qui revient au cinéma en retrouvant le sport qui lui avait permis d’être découvert pour le film d’André Téchiné, Les roseaux sauvages en 1994. Un très beau film qui permet même d’entr’apercevoir le géant Sébastien Chabal venu féliciter les joueurs à la fin du match, comme s’il en profitait en fait pour féliciter les comédiens qui le méritent bien. Chapô monsieur Loustau.
La fille du patron
Article écrit par Jean-Max Méjean
Ce film dépasse largement le cadre de la lutte des classes, ou ce qu’il en reste, pour se consacrer en fait à l’amour de la vie.