Les politiques et le pouvoir ont la côte cette année au Festival de Cannes. Après Pater d’Alain Cavalier en compétition officielle, L’Exercice de l’Etat de Pierre Schoeller dans la catégorie Un Certain Regard, Xavier Durringer arrive sur la Croisette le jour de la sortie en salle de son film tant attendu, La Conquête. Ayant créé un événement médiatique en refusant de diffuser le film avant Cannes (le film est d’ailleurs présenté hors compétition), le réalisateur se lance dans une fiction-documentaire, au casting impeccable mais sans surprises ni parti pris.
« Bien qu’inspiré de faits réels, ce film est une œuvre de fiction »
C’est l’historien Patrick Rotman qui s’est chargé d’éplucher dans les moindres détails la presse de 2002 à 2007 pour écrire le scénario de La Conquête. Sorties tout droit des journaux, les répliques du film collent à l’actualité du président en devenir qu’est Nicolas Sarkozy à ce moment précis de notre histoire politique. Effrayant Jacques Chirac, affrontant Dominique de Villepin, cédant par amour à Cécilia, le petit Nicolas, autrement appelé dans le film « le nain », « le nabot », grimpe progressivement les marches de l’Elysée jusqu’à son sommet. Son ascension, sa conquête est donc présentée par Durringer de manière didactique, historique, sous la forme d’une reconstitution de dialogues, de victoires, d’émotions vécus à ces dates par les politiques.
Un casting qui colle à la peau. Denis Podalydès joue le rôle de Nicolas Sarkozy dans le film, non sans efforts. Que ce soit l’ajout de faux cheveux, la voix calquée à la perfection sur la réalité, les gestuelles de Sarkozy, l’acteur est éblouissant dans ce rôle difficile à interpréter. C’est en effet la première fois qu’un politique, de surcroit le Président, est joué au cinéma alors qu’il occupe encore son mandat. Dans le rôle de Cécilia, Florence Pernel est troublante. Même attitude, même regard, elle joue un rôle déterminant dans le film, conseillère à l’Elysée, être aimé par Sarkozy prêt à tout pour la garder à ses côtés. Autour de ce couple en morceaux gravite une équipe de campagne très envahissante, ainsi qu’un Chirac effrayé par le petit nerveux – Bernard le Coq joue la carte de la ressemblance parfaite avec l’ancien président, scotchant.
Bernadette (Michèle Moretti) et Jacques Chirac (Bernard le Coq), La Conquête
« Les hommes politiques sont des obsédés sexuels »
Film événement, La Conquête a cependant des failles. L’accession au pouvoir de Nicolas Sarkozy, médiatisée à outrance, est connue du grand public. En retraçant de manière didactique ce parcours politique, Durringer laisse de côté tout effet de surprise ou de suspens. Raconter l’histoire politique de manière aussi récente donne un goût léger au film, à savoir une fiction filmée sous la forme d’un documentaire sans en être un, ayant pour objectif sans doute de laisser une trace de « La Conquête » à l’Elysée d’un homme déchiré mais obstiné. Le film de référence du réalisateur, à savoir The Queen (Stephen Frears, 2006), est bien loin devant La Conquête. Certes, le casting se veut parfait, les acteurs sont à la fois bons et convaincants mais le film ne peut se baser que sur les jeux d’acteurs au top de leurs interprétations. C’est un film propre, documenté, très travaillé mais sans surprise, sans étonnement, sans humour démesuré.
Stratégie marketing
Durringer détaille la mécanique utilisée pour gagner la Présidentielle que Nicolas Sarkozy et ses équipes ont appliqué en 2007. Une communication calculée – les journalistes étant de simples pantins entre les mains du futur Président – une stratégie marketing de conquérant, des thématiques de l’immigration, de la sécurité, de l’éducation comme bases de campagne, bref, du calcul pour y arriver et atteindre le but de départ : devenir Président. Sauf qu’une fois ces différents points montrés en images, en reconstitution, rien ne se dégage : ni un début de débat, de réflexion autour de ces stratégies et techniques de communication, ni un humour à outrance. Seules quelques répliques de Bernard le Coq, alias Chirac dans le film, font sourire, « Michèle Alliot-Marie en Premier Ministre ? Elle me casse les couilles celle-là ».
Déception donc pour ce film qui était tant attendu dans les salles. Beaucoup de bruit pour une fiction réalisée certes avec talent, mais légère et dénuée de point de vue, humour et dérision. La stratégie de communication des politiques s’appliquerait-elle au cinéma ? A croire que oui…