La Communauté

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Enième variation sur une utopie de vie communautaire qui tourne mal, « La Communauté » se fond progressivement dans un drame un peu crasseux, qui agace par sa gratuité.

Pas loin d’une décennie après Festen (1998), Ulrich Thomsen qui interprétait Christian – le fils qui révélait de lourds secrets de famille autour d’un dîner – repasse à table, toujours devant la caméra de Thomas Vinterberg. Il ne s’agit plus, dans ce nouveau long métrage, d’une réunion de famille mais de la constitution d’une communauté dans le Danemark des années 70, à l’initiative d’un couple, Erik (Ulrich Thomsen) et Anna (Trine Dyrholm). Tous deux héritent, avec leur fille Freja, à l’aurore de l’adolescence, d’une grande maison dans laquelle ils choisissent, en partie pour pimenter leur vie, de développer un quotidien communautaire avec d’autres personnes qu’elles soient en couples ou célibataires.

L’expérience communautaire passée au « vitriol scandinave »

C’est dans un joyeux bazar à l’esprit soixante-huitard que s’entame le film, suivant le « casting » des futurs colocataires de la famille. Tous ont l’esprit aventureux et les mœurs légères. Erik donne des cours d’architecture et Anna est une journaliste renommée, tous deux forment un couple qui paraît à la fois solide et joueur. Même la grave maladie qui laisse peu de temps à vivre au petit garçon d’un couple habitant avec eux semble mise en scène comme un élément sur lequel toute lourdeur doit glisser. Une utopie qui – le label scandinave et sa touche acerbe semblent l’obliger – va rapidement tourner à l’aigre lorsqu’Erik tombe sous le charme d’une étudiante, ce qui déstabilise profondément Anna en dépit de son ouverture d’esprit, jusqu’à fissurer l’équilibre de cette femme pourtant véritable moteur de la dite entreprise communautaire. Le collectif devient l’observateur gêné de la dissolution progressive du couple et la démocratie participative instaurée (toute idée ou définition de règles doivent être soumises à un vote transparent) se met à devoir répondre qui, de l’épouse ou de l’amante, doit quitter la maison pour le retour de l’équilibre émotionnel du groupe.

Un drame gênant et déconsidéré
 
Une réflexion allusive sur la problématique du vivre en communauté, de ses écueils et ses limites, cache mal le drame conjugal désincarné à l’œuvre dans le film : le couple d’Erik et Anna se dissout sans transition, aussi inconséquemment que la légèreté utopique et rock’n’roll du début, sans raccord de montage ni de liant dramaturgique. Tout comme les deux enfants du long métrage, laissés pour compte par le cinéaste : Freja (Martha Sofie Wallstrom) dont on suit une superficielle amourette naissante comme refuge du linge sale impudique auquel ses parents la confrontent, et Vilads (Sebastian Gronnegaard Milbrat) caution misérabilo-comique très gênante. Le fillm part dans toutes les voies, n’en empruntant aucune avec sincèrité (ainsi d’une rivalité entre deux femmes évoquée lourdement par leur même chevelure blonde…) ; un acharnement parfois gratuit (Erik et son amante logeant juste au-dessus de la chambre d’Anna…) dont on questionne le sens, semblant rejoindre la liste des films venus des pays scandinaves devant forcément se transformer en cauchemars psychologiques. Ne reste que le visage vieilli et essoré de toute son énergie de Trine Dyrholm, le visage d’une brisure, d’une impasse affective qui échappe au regard en discrédit porté tout le long du reste du film, tant et si bien qu’il en paraît presque déconnecté. Une autre oeuvre se joue et on a bien du mal, ironiquement, à voir à l’écran la mise en place d’un véritable lieu commun.

Titre original : Kollektivet

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Durée : 110 mn


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