La chute de la maison Usher/ La malédiction d’Arkham/ La tombe de Ligeia. Sorties Blu-Ray chez Sidonis Calysta

Article écrit par

Roger Corman dans trois de ses adaptations très inspirées D’Edgard Allan Poe.

En 2024, Sidonis Calysta a l’excellente idée de rééditer les huit opus du cycle Edgar Allan Poe réalisées par Roger Corman.  La chute de la maison Usher, La malédiction d’Arkham, La tombe de Ligeia sont les trois premiers titres qui paraissent en mars, les autres suivront au cours de l’année.

La chute de la maison Usher (House of Usher, 1960).

Venu chercher, Madeline (Myrna Fahey, sa promise, Philip Withrop (Mark Damon), se voit éconduit par le frère de la jeune femme, Roderick (Vincent Price) sous le prétexte d’un destin familial fatal. Produit avec un budget modeste de 300 000 $ (dont un tiers destiné au cachet de Vincent Price), La chute de la maison Usher est un véritable coup de poker dont la réussite va aussi bien propulser Roger Corman (producteur et réalisateur) en haut du box-office que lui octroyer une reconnaissance critique. Pour sa première incursion dans l’Épouvante-Gothique, Corman emprunte, comme pour se rassurer, les codes de La Hammer. Tout particulièrement ses effets d’annonce initiaux : un  générique tambourinant, le brouillard épais qui accueillent l’étranger et dans lequel se dessine l’immense manoir, ainsi que les couleurs flamboyantes des vêtements et des décors.  La stature et la duplicité de  Vincent Price n’ayant rien à envier aux pouvoirs de la  plus envoutante star de La Hammer, Christopher Lee. Mais, incontestablement, l’empreinte d’un réalisateur – d’un auteur ? – s’impose. Aux effets abrupts d’un montage énergique et aux cadrages saisissants privilégiés par la firme anglaise, la mise en scène préfère ici une fluidité et une douceur – notamment dans les fondus enchaînés – visant l’hypnose bien plus que l’effroi. L’éventail des métaphores visuelles – importance des tableaux – ainsi que la finesse des allusions évoquent subtilement les troubles psychologiques  et les travers sexuels des protagonistes – notamment la relation incestueuse entre le frère et la sœur. Dès son coup d’essai, les bases de l’édifice Cormanien sont solidement posés.

La malédiction d’Arkham ( The Haunted Palace, 1963).

En 1765, Arkham, avant d’être brulé vif, le Warlock – sorcier qui peut lever les morts – Joseph Curwen (Vincent Price) maudit toute la communauté et promet de revenir se venger. 110 ans plus tard, son arrière-petit fils, Charles Dexter Ward, vient prendre possession de la demeure de son ancêtre. Pour son scénario, Corman s’inspire d’une nouvelle de H.P. Lovecraftt (L’Affaire Charles Dexter Ward) et du poème de Poe, Le Palais Hanté. De l’écrivain américain (que Corman n’adulait pas particulièrement), il ressuscite les saisissants monstres qui hantent les rues du village – les descendants des bruleurs de sorcier- et métamorphose  Vincent Price en un terrifiant cousin du Docteur Jekill. Sa transformation progressive et ses allers-retours incessants entre les deux personnages restent, encore aujourd’hui, une merveille du genre. D’ Edgar Allan Poe, difficile de retrouver les références à l’œuvre citée, mais émergent le lyrisme et la beauté du verbe du maitre de la littérature gothique britannique, pour venir transcender, voire supplanter, l’épouvante. Les traits saillants et le regard subjuguant de Debra Paget sont magnifiquement mis en valeur par une douce photographie. Dans une atmosphère surréaliste et fantastique se noue alors un drame profondément humain.

La tombe de Ligeia (The Tomb of Ligeia, 1964).

Suite au décès de son épouse, Verden Fell (Vincent Price), vit reclus dans sa vaste demeure, jusqu’au jour où il rencontre fortuitement un jeune femme dont le charme lui rappelle son amour passé. De nouveau, dans une atmosphère gothique, un fantôme revient paralyser l’existence d’un pauvre « survivant » tourmenté par sa culpabilité, incarné une nouvelle fois par le majestueux Vincent Price. Au fantôme de la défunte épouse se joint un chat noir aux desseins meurtriers en guise de frissons fantastiques. Mais plus encore que dans les deux précédents opus, le mystère est magnifié, et même supplanté par moments, par une superbe tragédie romantique. Comme Scottie (James Stewart) dans Sueurs Froides (Alfred Hitchcock, 1958), Verden Fell reprend progressivement goût à la vie lorsque d’entre les morts ressurgit l’amour de sa vie. Et, tour à tour facétieux, mystérieux, vulnérable, fantomatique, éclatant, les mille visage de Vincent Price nous emportent dans le tourbillon effréné du fatum. Dans un cadre qui rappelle celui des Hauts de Hurlevent,  Roger Corman compose une magnifique symphonie victorienne. Contrairement aux autres adapatations, ici, une grande partie des séquences sont tournées en diurne et en extérieur. L’occasion de superbes scènes en Scope. Pour Corman, de toutes ses incursions dans l’univers de Poe,  La tombe de Ligeia est, selon ses propres mots : la plus grande de ses grandes fiertés. On ne voit aucune de raison de le contredire, d’autant plus que Bertrand Tavernier partage cette impression, dans l’un des très instructifs bonus des Blu -Ray.

La chute de la maison Usher/ La malédiction d’Arkham/ La tombe de Ligeia. Sorties Blu-Ray chez Sidonis Calysta.

Titre original : House of Usher.The Haunted Palace.The Tomb of Ligeia.

Réalisateur :

Acteurs : , , , ,

Année : ,

Genre :

Pays :


Partager:

Twitter Facebook

Lire aussi

L’étrange obsession: l’emprise du désir inassouvi

L’étrange obsession: l’emprise du désir inassouvi

« L’étrange obsession » autopsie sans concessions et de manière incisive, comme au scalpel ,la vanité et le narcissisme à travers l’obsession sexuelle et la quête vaine de jouvence éternelle d’un homme vieillissant, impuissant à satisfaire sa jeune épouse. En adaptant librement l’écrivain licencieux Junichiro Tanizaki, Kon Ichikawa signe une nouvelle « écranisation » littéraire dans un cinémascope aux tons de pastel qui navigue ingénieusement entre comédie noire provocatrice, farce macabre et thriller psychologique hitchcockien. Analyse quasi freudienne d’un cas de dépendance morbide à la sensualité..

Les derniers jours de Mussolini: un baroud du déshonneur

Les derniers jours de Mussolini: un baroud du déshonneur

« Les derniers jours de Mussolini » adopte la forme d’un docudrame ou docufiction pour, semble-t-il, mieux appréhender un imbroglio et une conjonction de faits complexes à élucider au gré de thèses contradictoires encore âprement discutées par l’exégèse historique et les historiographes. Dans quelles circonstances Benito Mussolini a-t-il été capturé pour être ensuite exécuté sommairement avec sa maîtresse Clara Petacci avant que leurs dépouilles mortelles et celles de dignitaires fascistes ne soient exhibées à la vindicte populaire et mutilées en place publique ? Le film-enquête suit pas à pas la traque inexorable d’un tyran déchu, lâché par ses anciens affidés, refusant la reddition sans conditions et acculé à une fuite en avant pathétique autant que désespérée. Rembobinage…