La Caméra de Claire

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Une énième chronique minimaliste où Hong Sang-soo, peu inspiré, répète inlassablement ses mêmes idées jusqu’à devenir apathique.

Ce petit film improvisé en catimini à Cannes au coeur d’une année ultra productive (Seule sur la plage la nuit et Le Jour d’après ont été montrés respectivement à Berlin et à Cannes en 2017), met en scène Hong Sang-Soo lui-même, incarné par Jeong Jin-yeong sous le pseudonyme à peine caché de So Wan-Soo, réalisateur venu présenter un film lors du célèbre festival. Ce dernier s’apprête à rencontrer Claire, au détour d’un bar, jouée par une Isabelle Huppert étonnamment candide, enseignante et photographe parisienne venue au festival soutenir une amie réalisatrice. Parallèlement, une jeune assistante, Manhee, incarnée par Kim Minh-hee, est licenciée de la boite vendant les films de ce même So Wan-Soo (on apprendra plus tard que tous deux ont eu une liaison). Un peu plus tard, Manhee rencontrera elle aussi Claire sur une des plages de la Croisette, cette dernière se retrouvant alors au coeur d’un trio franco-coréen assez improbable. Malgré un tournage en plein festival, la ville balnéaire est à l’occasion transformée en bourgade provinciale quasi déserte où l’épuration des touristes et autres journalistes parasites permet de laisser place aux croisements intimes chers au réalisateur de In Antother Country et Un jour avec, un jour sans.

Moi je

Au delà de ces chassés-croisés filmés de manière – il faut le reconnaître – assez brillante, se cache, au fond, un certain nombrilisme. Obsédé par sa propre histoire, Hong Sang-soo peine à sortir sa Caméra de Claire du postulat limité de petit jeu de miroir entre réalité et fiction (ici, sa médiatique liaison avec son actrice fétiche Kim Minh-hee, son histoire passée avec Claire Denis). Rejoignant le cinéma de Philippe Garrel (autant sur les thèmes que sur les moyens utilisés) et d’autres auteurs conscients de leurs qualités au point de s’y reposer complètement jusqu’à s’enfermer dans un procédé qui vire au systématisme, Hong Sang-soo développe comme toujours une veine autobiographique, gonflée d’un narcissisme repliant son auteur vers lui-même et le coupant du monde. Hong Sang-soo n’est pas vraiment un explorateur : dans La Caméra de Claire, on boit du Soju en enchaînant cigarettes sur cigarettes tout en débattant sur la nature « profonde » de l’image photographique et de la passion amoureuse, le tout sur fond de petites querelles existentielles. Hong Sang-Soo y propose une énième variation de ses motifs qui satisfera ses inconditionels et laissera les autres sur le côté.  
 

Néanmoins, malgré le côté agaçant d’une démarche répétée ad nauseam, Hong Sang-Soo parvient toujours à élaborer des scènes fortes d’une simplicité désarmante. À travers un dispositif de cinéma ultra-réduit, on assiste à un enchaînement de confrontations entre deux (ou trois) personnages qui échangent, sans artifices ni effets. Sans oublier la banalité du geste et du discours, certaines scènes fonctionnent indubitablement grâce à la poésie permanente qui s’y développe de manière naturelle et évidente (la rencontre entre Claire et Manhee sur une plage, les retrouvailles entre So Wan-soo et Manhee sur une terrasse). Impossible de le nier : une certaine magie est présente malgré l’égocentrisme irritant du film. L’aspect fantastique, secondaire mais bienvenu, rompt l’épure extrême du film et n’est d’ailleurs pas étranger au charme de celui-ci (Claire, la photographe, peut voir le passé et l’avenir de Manhee en passant dans le mystérieux tunnel de la plage). Il n’en reste pas moins qu’au delà de ce léger écart, La Caméra de Claire s’inscrit dans la lignée de la filmographie de Hong Sang Soo : une œuvre aussi singulière et poétique qu’agaçante et austère.

Titre original : KEUL-LE-EO-UI KA-ME-LA

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Durée : 109 mn


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