Au lieu de ça, il nous propose une ambiance à la Terrence Malick ou à la Jeff Nichols (Mud, 2013) transformant la paisible Loire en un Mississippi français pour en faire le décor d’une histoire d’amour entre deux enfants, finalement banale, sans parvenir à la maîtrise d’un Renoir, celui de Boudu sauvé des eaux (1932) et d’Une partie de campagne (1946). Il est vrai que la vie à la campagne, les escapades à cheval ou en charrette sont très photogéniques, mais son utilisation est peu convaincante s’il n’est qu’un prétexte, semble-t-il. « Dans La belle vie, je voulais faire du territoire français, déclare le réalisateur, un lieu fantasmé, quasi mythique. Reconnaissable, mais sublimé. J’ai voulu faire des Pyrénées nos Montagnes Rocheuses, et de la Loire notre Mississippi. »
Bien sûr, La Belle vie n’est pas un film militant ou un film politique, il n’a pas l’ambition d’analyser l’état de la société française. Il semble en effet difficile que la police ne parvienne pas à retrouver, dans ce petit territoire, un père en cavale, d’autant que son portrait est diffusé sur Internet. On peut aussi se poser la question du rapport au père. Nolens volens, le plus jeune des deux fils, magnifiquement interprété par le jeune Zaccharie Chasseriaud (avec déjà quelque huit films à son actif) que Jean Denizot avait repéré dans Les Géants (Bouli Lanners, 2011) porte sur son père un regard très admiratif, même s’il a envie de le quitter pour vivre à son tour sa belle vie. En revanche, le père de sa jeune amoureuse au prénom presque improbable de Gilda (encore un rôle pour Solène Rigot, qui minaude un peu trop) est présenté comme un être solitaire, alcoolique, certes pilote d’un drôle d’engin volant, mais étroitement surveillé par sa fille. Comme s’il était un enfant. Vision encore une fois un peu idéalisée de la famille, où on a presque l’impression que ce sont les enfants qui dirigent parce que leurs parents ont quelque peu déraillé.
Reste la place de la nature, très importante dans ce film et qui dégage un charme qui le sauve sans doute. « J’ai grandi au cœur des vignobles, déclare Jean Denizot, et au pied de la Loire, et je pense que les beaux paysages nous façonnent et nous rendent meilleurs. Un peu comme les œuvres d’art, mais dans une moindre mesure. Quand je commence à écrire, j’ai besoin très vite de savoir où situer l’histoire. » Cette belle nature sera au moins un contrepoint intéressant à la banalité d’un scénario somme toute assez convenu.