« Je veux vivre ». Ultime cri de Barbara Graham qui refuse d’être exécutée pour un crime qu’elle n ‘a pas commis. Leitmotiv du destin de cette femme condamnée ex ante par une société lâchement puritaine. Barbara aime la vie et ses excès, n’entend pas se laisser bâillonner, son passé d’entraîneuse, les « petites frappes » de son entourage, sa conditionnelle : la messe est dite. Autopsie d’une Amérique coupable de bienséance. Celle de l’âge d’or de l’American Way of Life où la Femme ne doit pouvoir s’épanouir que dans un foyer douillet. Une Amérique où les trois chevaliers du cinquième pouvoir (Presse, télé, radio) ne cherchent qu’à faire le buzz. Dans un tel contexte, la salle d’audience ne peut être qu’une chambre d’enregistrement. Plaidoyer contre la peine capitale, dossier à charge, le film de Robert Wise n’en est pas pour autant phagocyté par les lignes imposées de son programme. Inserts sur les coupures de presse, sur les visages graves des commentateurs télé, sur la foule haineuse, la toile d’araignée est bien saillante, mais ses ramifications ne sont pas explicitées plus que nécessaire. Les inévitables scènes du procès sont également traitées avec la même sobriété, réduites au strict minimum.
Si la tentation du pur mélodrame n’est jamais loin quand la souffrance s’exprime, la froideur d’un récit-vérité prend rapidement le dessus. Le scénario étant construit à partir des articles d’ Ed Montgomery, prix Pulitzer, et des lettres de Barbara Graham. Avec son rythme parfois imprévisible et sa chronologie elliptique, une modernité « toute européenne » souffle sur ce qui aurait pu n’être qu’un bel objet classique Hollywoodien. Comme Ascenseur pour l’échafaud (Louis Malle), sortie également dans cette fin des années cinquante, Je veux vivre construit une mécanique froide et implacable, tout en nous en laissant entendre le moindre battement de cœur de son héroïne. En commun également, la puissance et l’omniprésence du jazz. Ici, les compositions aux tonalités sèches de Johnny Mandel traduisent aussi bien la soif de vivre de la victime que la puissance létale du rouleau compresseur qui la poursuit. Exploitant à merveille les éclairages fortement contrastés du film noir, la mise en scène ravive les contradictions de son héroïne.
West side Story, La mélodie du bonheur, La canonnière du Yang-Tse, La maison du diable…., s’il paraît peu aisé de dégager une ligne claire derrière les succès les plus emblématiques de Robert Wise, son talent ne saurait se résumer à un savoir-faire mis au service des grands studios hollywoodiens. Après Nous avons gagné ce soir (1949) et Marqué par la haine (1956) et juste avant Le coup de l’escalier (1959)-, Je veux vivre explore la mécanique de l’enfermement avec une force saisissante. Ces œuvres positionnent Wise tout prêt des grands maîtres de cette décennie, dans la lignée de Fritz Lang pour L’invraisemblable vérité de (1957) ou de Kubrick pour Le Baiser du tueur (1955) et L’ultime razzia (1956).
Avec un tel personnage, c’est un ticket pour l’Oscar qui s’est vu offrir Susan Hayward. D’autant plus que la comédienne possédait tous les atouts pour saisir l’occasion. Ne jouant pas dans la catégorie des simples sex- symbols, sa puissance érotique n’en pas pour autant moins troublante. N’ayant jamais froid aux yeux, au point de flirter avec la vulgarité quand il faut user de sa gouaille pour s’imposer, elle sait afficher son élégance quand son honneur de femme est en jeu. Présente dans la qualité totalité des séquences, Susan Hayward passe par une large palette d’émotions, souvent en un éclair, sans jamais tomber dans les pièges des situations explosives. Sous les traits de la comédienne, Barbara Graham vibre et vit pour toujours.