Il y a longtemps que je t’aime

Article écrit par

Thèmes délicats pour un premier film où la justesse initiale cède peu à peu la place aux maladresses.

Il y a longtemps que je t’aime…jamais je ne t’oublierai…
Ces quelques phrases qui résonnent comme une comptine de l’enfance rythment le film du début à la fin. Belle idée que ce fil conducteur guidant le spectateur tout au long du récit mais qui, tout comme le film, s’use peu à peu, au fur et à mesure qu’il se déroule.

Pour la première fois, Philippe Claudel, romancier à succès, prend la caméra à pleines mains et s’attaque, non pas à un mais à plusieurs thèmes délicats, qu’il tente d’imbriquer les uns dans les autres, comme les pièces d’un puzzle destinées à ne former qu’une grande et même toile.

Il y a longtemps que je t’aime emprunte plusieurs chemins. Tel un prisme aux facettes diverses et complémentaires, le film cherche à toucher tout un chacun selon son histoire personnelle. Certains pourront voir en lui l’histoire de deux sœurs qui, après 15 ans de séparation, se retrouvent et tentent de s’apprivoiser à nouveau. D’autres, en revanche, seront plus sensibles à l’enfermement, à cette femme qui revient à la vie ou encore au thème du secret qui peut s’introduire au sein d’une famille et s’immiscer dans la vie de quiconque.

La force du film se retrouve essentiellement dans le personnage de Juliette, magnifique Kristin Scott Thomas que l’on sent enfermée dans une bulle, totalement hors du monde. De nombreux gros plans sur son visage la montrent se mordant la lèvre inférieure, peu à l’aise dans sa peau et dans le monde dans lequel elle revient. La caméra suit pas à pas le retour à la vie de cette femme murée dans le silence, accablée par le lourd secret qui l’accompagne, bercée par les notes de la guitare de Jean-Louis Aubert.

Malheureusement, tout le film ne sonne pas aussi juste. Les autres personnages semblent avoir été très rapidement dessinés. Leurs contours ne sont pas véritablement définis. Ils ne sont là que pour accompagner le personnage de Juliette et paraissent ne pas trouver leur propre place au sein du récit. Servant de faire-valoir, ils gravitent autour du personnage central mais manquent parfois de substance et de force. Même Léa (interprétée par Elsa Zylbertstein), qui a pourtant une place fondamentale, ne dégage pas l’aura qu’elle aurait pu avoir. Souvent en retrait, son personnage aurait gagné à avoir une présence plus marquée, notamment vis-à-vis de Juliette, sa sœur.

Il y a longtemps que je t’aime sifflote un air qui reste longtemps en tête. Le film, quant à lui, aurait plutôt tendance à s’effacer un peu trop vite.

Titre original : Il y a longtemps que je t'aime

Réalisateur :

Acteurs : , , ,

Année :

Genre :

Durée : 115 mn


Partager:

Twitter Facebook

Lire aussi

L’Aventure de Madame Muir

L’Aventure de Madame Muir

Merveilleusement servi par des interprètes de premier plan (Gene Tierney, Rex Harrison, George Sanders) sur une musique inoubliable de Bernard Herrmann, L’Aventure de Madame Muir reste un chef d’œuvre inégalé du Septième art, un film d’une intrigante beauté, et une méditation profondément poétique sur le rêve et la réalité, et sur l’inexorable passage du temps.

Darling Chérie de John Schlesinger : le Londres branché des années 60

Darling Chérie de John Schlesinger : le Londres branché des années 60

Autopsie grinçante de la « dolce vita » d’une top-modèle asséchée par ses relations avec des hommes influents, Darling chérie est une oeuvre générationnelle qui interroge sur les choix d’émancipation laissés à une gente féminine dans la dépendance d’une société sexiste. Au coeur du Londres branché des années 60, son ascension fulgurante, facilitée par un carriérisme décomplexé, va précipiter sa désespérance morale. Par la stylisation d’un microcosme superficiel, John Schlesinger brosse la satire sociale d’une époque effervescente en prélude au Blow-up d’Antonioni qui sortira l’année suivante en 1966.

La soif du mal : reconstruction d’un « pulp thriller » à la noirceur terminale

La soif du mal : reconstruction d’un « pulp thriller » à la noirceur terminale

En 1958, alors dans la phase de postproduction de son film et sous la pression des studios Universal qualifiant l’oeuvre de « provocatrice », Orson Welles, assiste, impuissant, à la refonte de sa mise en scène de La soif du mal. La puissance suggestive de ce qui constituera son « chant du cygne hollywoodien » a scellé définitivement son sort dans un bannissement virtuel. A sa sortie, les critiques n’ont pas su voir à quel point le cinéaste était visionnaire et en avance sur son temps. Ils jugent la mise en scène inaboutie et peu substantielle. En 1998, soit 40 ans plus tard et 13 ans après la disparition de son metteur en scène mythique, sur ses directives, une version longue sort qui restitue à la noirceur terminale de ce « pulp thriller » toute la démesure shakespearienne voulue par l’auteur. Réévaluation…