I Want Your Love

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Porno et cinéma indé se mélangent dans I Want Your Love », premier long d´un genre nouveau. »

On en parlait à la fin de l’année dernière, quand le film de Travis Mathews avait été montré au Festival Chéries-Chéris de Paris. I Want Your Love est l’œuvre d’un réalisateur qui s’attache à montrer la vie de jeunes homosexuels loin des clichés et des conventions souvent propres au « cinéma gay ». On lui doit une série de documentaires en trois volets, In Their Room, tournés successivement à San Francisco (2009), Berlin (2011) et Londres (2013). Trois villes, des chambres, de jeunes homos citadins – l’approche était simple, quasi naturaliste. De leurs confessions, de leur quotidien, Travis Mathews a d’abord tiré un court métrage éponyme, ensuite décliné en un long de 70 minutes. C’est cette version qui sort aujourd’hui en salles, dans une distribution limitée : le MK2 Beaubourg de Paris sera la seule salle à projeter I Want Your Love. Le film suit le dernier week-end à San Francisco de Jesse, jeune artiste gay, avant qu’il ne retourne s’installer dans son Ohio natal. L’heure est à l’introspection, à un pas de côté sur sa vie jusqu’à présent. Ses amis lui ont préparé une fête, il décide de revoir son ex, de ramener un mec chez lui une dernière fois avant le retour à Cleveland, la vie d’adulte et les responsabilités.

Sexe non simulé (et particulièrement graphique), conversations banales, situations plus ou moins improvisées : la tentation documentaire est palpable et omniprésente, et le projet I Want Your Love participe d’abord d’un désir, louable, de montrer la vie de jeunes homosexuels telle qu’elle est et telle qu’on ne la voit presque jamais. Finement écrit, le film de Travis Mattews dit les frustrations, le retour sur soi et les petites amertumes, la crainte de ce qui est à venir dans des dialogues qui sonnent juste, dans des petites phrases qu’on pourrait très bien prononcer soi-même. En 70 minutes, le cinéaste peint une galerie de portraits attachants à défaut d’être tous marquants. Mais c’est évidemment la représentation du sexe qui fait ici date : si un film comme Shortbus (John Cameron Mitchell, 2006) avait déjà ouvert la voie dans la peinture réaliste de rapports sexuels décomplexés, I Want Your Love va plus loin en donnant à voir des scènes que l’on pourrait qualifier de porno si elles n’affichaient pas à un tel souci de mise en scène. Car si fellations, sodomies et autres caresses sont bien filmées en gros plan et en temps quasi réel, Mathews s’attache à les rendre « artistiques », bien plus que simples séquences à bander. Le réalisateur s’attarde sur les expressions du visage, décadre l’objet du plan, déplace le point de focus sur un pied ou une jambe repliée, filme les ratés, n’oublie pas les préliminaires.
  
  

 
  
C’est Naked Sword, une société américaine de films pornographiques, qui a assuré la production de I Want Your Love, et le film embarrasse déjà certains pays, l’Australie notamment, qui a refusé une exception de projection malgré le cadre du Festival du Film Gay et Lesbien de Sydney. L’audace du film n’a pourtant rien de provocatrice : là où le 9 Songs (2004) de Michael Winterbottom, lui aussi bien loin du porno, consistait plutôt en un patchwork de séquences assez peu narratives, I Want Your Love mêle habilement scènes de sexe et scènes « traditionnelles ». Il y a qu’ici le sexe sert réellement de support au scénario : quand un homme s’engage dans un plan à trois, c’est pour répondre à l’attente de son partenaire ; une rencontre furtive dans un bar est surtout révélatrice d’une envie de proximité des corps. Le titre est tout sauf anecdotique, Jesse et sa bande sont tous à la recherche de tendresse et d’une vie à deux. Paradoxalement, le film de Mathews est ainsi plutôt romantique – derrière le désenchantement, c’est la reconnaissance de l’autre que les personnages poursuivent. Travis Mathews dresse aussi le portrait d’une communauté de hipsters, artistes plus ou moins successful qui évoluent en milieu restreint – qu’ils soient gays n’y est pas pour rien, qu’ils poursuivent une carrière artistique non plus.

C’est le reproche que l’on pourrait faire à I Want Your Love, car si les préoccupations sont universelles, l’univers qu’il dépeint fonctionne en circuit fermé et on peut légitimement se poser la question de savoir si le film parlera à tout le monde. Sans doute pas, et tant pis, il y a là l’expression du désir d’un cinéma novateur, une croyance presque idéaliste en la possibilité à engager une réflexion autour du mélange entre théorie, captation frontale du sexe et cinéma d’auteur. La tentative est de toute manière à saluer, surtout quand, comme ici, elle est si près d’aboutir.

Titre original : I Want Your Love

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Durée : 71 mn


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