Geronimo

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Un « West Side Story » trop fébrile.

Une jeune fille court à perdre haleine dans les rues de son quartier. C’est Nil, jeune mariée en fuite qui s’élance à la rencontre de Lucky, celui qu’elle aime vraiment en tournant le dos à l’homme auquel sa famille voulait la marier de force. Nil est turque, Lucky est gitan et leur histoire d’amour va bientôt embraser ce quartier du sud de la France, les deux clans défendant leurs traditions et leur honneur sous les yeux de Géronimo. L’éducatrice spécialisée tentera alors d’apaiser les tensions pour éviter l’incendie, à ses risques et périls.

« Je t’aaaaaime »,
lui hurle-t-elle dans les oreilles. « Je t’aaaaime », lui crie-t-il au visage. Ils s’aiment, se dit le spectateur attentif. Au cas où il y aurait un distrait dans la salle qui n’a pas suivi, ils sautent dans les vagues (toujours en criant qu’ils s’aaaaiment), ils se roulent dans le sable et ils rient très fort (et toujours très près du visage de l’autre). On peut très bien s’ennuyer à mourir devant Roméo et Juliette et leur débat ornithologique sur l’alouette et le rossignol mais leur amour est évident sans qu’ils frisent la crise d’épilepsie à chaque déclaration. Crise qui plus est contagieuse. Les spasmes de l’amour fou n’épargnent pas la caméra qui, prise de tremblements, divague et ne tient plus en place. Fougue insolente d’une jeunesse éprise de liberté diront les uns, migraine répondront les autres. Le trop est parfois l’ennemi du mieux. A l’écran s’affichent l’intention de la fièvre et de l’ardeur mais l’émotion, elle, ne surgit que par instants quand le spectateur arrive à descendre de l’ascenseur qui le fait monter et descendre de trop en trop peu.
 

Flamenco sur un cercueil, danseuse en apesanteur sur des musiques d’inspiration espagnoles et turques, c’est quand on touche au réalisme magique d’un Kusturica que le film parvient à nous capturer. De Gadjo Dilo (1997) à Transylvania (2006), la musique a toujours été la base de la filmographie de Tony Gatlif et il est dommage que son potentiel ne soit pas exploité à son maximum dans Geronimo. Deux clans qui s’opposent en dansant, des bagarres de rue, deux amants que tout oppose, West Side Story est en embuscade (Robert Wise, 1960) mais il aurait dû bondir carrément sur le film pour le transformer, au moins partiellement, en comédie musicale. Parfois, des objets servent bien d’instruments de musique et des chorégraphies disent l’affrontement, mais le réalisateur se contente d’y tremper une main quand on a envie de le pousser à l’eau pour qu’il ose le genre qui aurait transcendé cette histoire d’amour et de haine en huis-clos.

Malgré l’absence de murs, une cité à ciel ouvert et malgré la proximité de la mer, Geronimo est un huis-clos où chaque personnage est enfermé dans ce qu’il pense devoir être ou devoir faire, au nom d’un code d’honneur aussi ancestral qu’archaïque. Aucun policier en vue dans ce lieu trop à côté ou trop en dehors, qui obéit à des lois familiales face auxquelles la société est désarmée. Seule Géronimo essaie d’abattre ces cloisons de verre qui étouffe le quartier. Et c’est elle, jouée par Céline Sallette, sainte patronne des causes perdues, la véritable réussite du film. Jupe orange, débardeur bleu assorti à ses yeux et Doc aux pieds, elle est ce guerrier rebelle qui croit aux miracles et renonce à la fatalité. Elle n’a peur de personne, ne recule devant rien et sait même donner des coups de tête. Elle est libre, et accepte les avantages et les inconvénients de cette liberté : pas de port d’attache, rien qui la retienne. L’histoire d’amour est peut-être un simple prétexte après tout car finalement on ne voit qu’elle.

Titre original : Geronimo

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Durée : 104 mn


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