First Man: Le premier homme sur la lune

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Objectif Lune.

Lancée dans la conquête de l’espace pour laquelle elle compte bien gagner la course jusqu’à la Lune, la NASA cherche son « first man », le premier homme astronaute qui posera le pied sur notre satellite. Le film nous attrape dans cet élan de conquête par la force émulsive d’un vaisseau expérimental chevrotant, lancé à plein régime, faisant buter la tête de son pilote. Une cacophonie de ferraille pas très rassurante propulse le bolide au-dessus de l’atmosphère terrestre, dont on discerne la fine couche bleue sur la réverbération d’un casque.

Tandis que de petits hublots laissent entrevoir des bouts d’espace ou de ciel, Damien Chazelle (Whiplash et La La Land) nous familiarise avec l’attirail de l’époque ; baromètres en tout genre dont les aiguilles vacillent pour indiquer l’inclinaison, grosses vis archaïques, plaques métalliques dont on se demande si elles ne vont pas s’envoler sous la pression de l’exercice. Le pilote de ce gros engin nous est présenté comme un cosmonaute distrait, bien loin de la carrure du héros archétypal qu’on pourrait imaginer faire le grand voyage. Nous sommes en 1961, soit huit années avant la conquête de la lune. Et il reste encore beaucoup à faire avant que la NASA puisse enfin lancer sa fusée. Neil Armstrong est marié à Janet, et père de famille d’un petit garçon et d’une petite fille dont on apprend rapidement qu’elle est atteinte d’une tumeur. À peine quelques semaines s’écoulent et celle-ci décède, plongeant Armstrong dans une profonde tristesse. État qui lui permettra de développer, bien plus que ses connaissances en ingénierie ou que ses qualités de pilote, un sang-froid absolu que seul un chagrin de cette ampleur pouvait laisser filtrer, ainsi qu’une place dans le programme GEMINI. Ce n’est pas l’entraînement forcené qui le conduit à s’élancer dans l’aventure, mais bien le dépassement d’un certain seuil de tristesse au sein de sa cellule familiale. Cette posture tisse un lien pour tout le film entre le cosmique et le terrestre, entre l’épopée astrale et le voyage interne, cousus par des montages alternés dessinant les avancées temporelles d’un côté et de l’autre.

La force du film tient dans cet équilibre mené entre différents espaces qu’on parvient à lier malgré la distance, qu’elle soit physique ou émotionnelle. D’une part grâce aux avancées de la communication, qui permettent de lier Janet au poste de commandement de la NASA avec sa radio, (elle-même reliée par la même technique à la capsule d’Armstrong), ou de transmettre en temps réel, à l’aide d’une caméra déployée sur un bras mécanique, les premiers pas sur la Lune. D’autre part, grâce au procédé technique du plan rapproché ou du zoom qui rapatrie soudainement des personnages physiquement lointains. L’alternance excessive de plans très rapprochés et de plans d’ensemble traduit cette remise à niveau constante. Le désir brûlant de gagner la course, d’aller d’un point A à un point B, souligné par la poésie des nombreux regards lancés par Armstrong vers la lune. Ce souci d’équilibre, entre le travail technique et physique exorbitant déployé pour propulser des fourgons d’acier sur la lune, c’est aussi le travail émotionnel gigantesque qu’Armstrong doit parvenir à réaliser pour revenir sur Terre. Ses « petits pas » qu’il réalise sur l’astre crevassé lui permettent de refaire le voyage à l’envers.

Il y a dans le système du film des petites défaillances, certes moins grandes que celles qui précèdent l’alunissage, mais qui oublient de libérer de l’espace pour profiter du soin esthétique fourni (un drama musical entiché à son image, un montage rapide qui empêche les plans de respirer, etc.). Cette quête de l’équilibre, c’est aussi celle d’une mise en scène qui hésite entre le « trop maîtrisé », et l’abandon total dans le lyrisme. Dans la maîtrise au moins, il y a le souci très précieux de limiter le champ, de nous laisser deviner des mouvements, des couleurs, et des substances par de minuscules fenêtres. Ces empêchements visuels, passant aussi par un cadre très resserré, nous laisse à l’abri des trop pleins, enfermés dans notre imagination et dans l’élan sensoriel extrêmement vibrant des virées cosmiques.

 

First Man, Damien Chazelle, 2018

Titre original : First Man

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Durée : 2h21 mn


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