En 2022, le réalisateur et scénariste Zach Cregger avait fait une entrée remarquée dans le paysage horrifique avec le très apprécié Barbarian (que l’auteur de ses lignes n’avait pas particulièrement aimé malgré le choc de sa première partie). Il revient aujourd’hui avec son tout nouveau film Weapons (Evanouisen version française), dont le script avait fait l’objet de nombreuses convoitises avant que la bataille ne soit finalement gagnée par la New Line. Depuis sa sortie en France et aux Etats-Unis, le long-métrage est acclamé par la critique et signe un excellent démarrage domestique à 42.5 millions de dollars. Film de genre abouti ou grande supercherie, que vaut cette nouvelle proposition ? La réponse se trouve quelque part entre les deux.
À 2h17, dans la ville de Maybrook, 17 enfants de la classe de Justine Gandy disparaissent mystérieusement en s’enfuyant de leurs domiciles, à l’exception d’Alex. Une enquête est alors menée pour élucider ce fait divers et tenter de désinculper Justine, prise pour cible par les parents d’élèves. Un postulat de base qui fait office de principal outil attractif pour le film et pour son image promotionnelle. Dès les premières minutes, Cregger nourrit le potentiel intriguant de son concept tout en dépeignant un portrait assez intéressant de son héroïne, devenue bouc émissaire de la ville.

Très vite, on comprend que l’histoire va se centrer sur plusieurs personnages, chacun d’eux possède un chapitre attitré. L’objectif n’est plus de proposer une enquête linéaire mais plutôt un récit choral avec une multiplicité de points de vue sur des actions identiques. Cette variété de perspectives permet de faire avancer l’histoire en apportant petit à petit les détails nécessaires à une révélation plutôt banale et décevante. D’autant plus que le scénariste s’amuse à modifier certains passages d’un chapitre à l’autre, les mêmes évènements ne sont pas perçus de la même manière par les personnages (une excellente idée en soi). Chacun d’eux voit sa propre vérité et interprète les choses comme il le veut. Mais cette particularité d’écriture chère au réalisateur va par moments contre l’efficacité d’un ensemble pas exempt de longueurs et de répétitions. Au fil du temps, le spectateur finit par avoir une longueur d’avance sur les protagonistes : un dispositif narratif propice à l’angoisse qui n’est cependant jamais exploité à son plein potentiel.
Si la disparition des enfants est clairement l’élément déclencheur du récit, elle est vite réduite à une toile de fond pour un portrait peu reluisant d’une société incapable de prendre du recul face aux drames qu’elle traverse. La focalisation quasi-paranoïaque des habitants envers Justine en fait la représentation de cette post-vérité qui gangrène les esprits et freine les réflexions. Avec ses marginaux perdus, ses fonctionnaires dépassés ou ses policiers sous tension, Cregger rend compte des fractures d’une société américaine dysfonctionnelle et désespérée (alcoolisme, violences policières, domestiques etc.). De son côté, le casting est à la hauteur des enjeux narratifs. Julia Garner (dans le rôle de Justine) et Austin Abrams sortent leur épingle du jeu, la justesse de la première émeut autant que la nonchalance du second fait rire. Il y a une volonté d’humour noir et de sadisme que le climax grand guignolesque ne renie pas. Ces changements de tonalité, gimmicks reconnaissables du réalisateur, rythment un récit quelques fois essoufflé.

Cependant, le film retombe difficilement sur ses pattes lorsqu’il nous délivre ses secrets. Le twist, similaire à celui de bien d’autres productions du même calibre, révèle la pauvreté d’une supposée aura horrifique annoncée par les critiques et le studio. Certes, le metteur en scène maitrise la tension et offre quelques séquences saisissantes – toujours aussi attaché à ses décors froids, urbains et souterrains – mais il ne réussit jamais à donner une conclusion satisfaisante à ces virages les plus terrifiants. Par la suite, c’est tout un conformisme hollywoodien qui infecte l’horreur de la seconde partie, là où Barbarian n’était pas avare en renouvellement d’idées. Une chose est sûre : Weapons n’est pas le choc de terreur initialement prévu et déçoit dès qu’il s’agit de faire pousser les graines qu’il a disséminé.
À défaut d’être un vrai film de frousse, Weapons gagne en singularité par son récit choral aux ambiances variées et interroge sur la représentation d’une Amérique en déclin, accrochée à des peurs ordinaires qui l’empêchent d’atteindre la vérité. Si le principal outil de séduction du long métrage était aussi travaillé que son sous-texte, on aurait eu affaire à une réussite incontestable.





