Entretien avec Axel Cosnefroy

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A l’occasion du Salon du Cinéma, revenons sur un métier particulièrement essentiel aux plateaux de tournage : rencontre avec le directeur de la photographie des « Enfants de Timpelbach »

Pouvez-vous expliquer en quelques mots le rôle d’un directeur de la photographie sur un plateau de tournage ?

Le directeur de la photographie est la personne qui va, techniquement, arriver à faire l’image que souhaite le réalisateur. Il est l’intermédiaire entre le réalisateur et les autres techniciens et, par là, assure le lien entre l’aspect artistique et l’aspect technique du tournage du film. Je donne ma vision du film et j’interviens par la suite sur les différents corps de métiers qui ont un lien à l’image, décors, costumes, maquillage, étalonnage.

Par quel biais avez-vous été formé à ce métier ?

Je n’ai pas fait d’école. A 17 ans, j’ai arrêté mes études pour devenir assistant-photographe de mode, puis assistant-opérateur sur des courts-métrages. Ce qui m’a permis de devenir par la suite chef-opérateur. A 15 ans, j’ai également commencé à faire des photographies. Tout a commencé, en fait, grâce à une professeur de dessin qui nous faisait faire des petits films, ce qui a réveillé ma vocation. J’ai essayé de la revoir, mais sans succès.

Racontez-nous vos débuts ?

J’ai travaillé sur un certain nombre de courts-métrages, de clips et de publicités. Cela m’a apporté de l’expérience et m’a permis de rencontrer des réalisateurs. Les deux longs-métrages sur lesquels j’ai travaillé par la suite ont précisément été dirigés par des réalisateurs que j’avais rencontrés en travaillant sur des courts-métrages. Comme quoi, le fait de commencer par des films courts pour en arriver aux longs-métrages, c’est quelque chose qui marche !

Comment s’est passée votre première expérience sur le tournage d’un long-métrage ?

On peut dire que le long-métrage est un marathon, alors que le court-métrage est un sprint. Le processus de fabrication est le même, les seules différences viennent des enjeux économiques et politiques qui viennent se greffer sur le tournage des films. La pression n’est pas la même, les rapports de force non plus.

Parlez-nous de vos relations avec les différents réalisateurs avec qui vous avez travaillé. Vous laissent-ils une marge de manœuvre ?

Le réalisateur et moi lisons le scénario, parlons de l’ambiance du film et mettons au point les techniques appropriées. Nous faisons des essais que nous regardons ensemble et nous nous corrigeons mutuellement. Telle chose doit être plus colorée ou plus contrastée, etc… Quand le tournage du film commence, le réalisateur est donc obligé de me faire confiance. Il n’a pas le choix. Sinon, ce serait trop lourd à gérer. On se met donc d’accord avant le tournage et le réalisateur me laisse faire ensuite. Mon travail correspond toujours aux directions que me donne le réalisateur. SI j’ai de nouvelles idées, je lui en parle. Le métier de chef opérateur est aussi un métier de communication.
Il faut établir un équilibre entre les idées qu’on se donne et les moyens financiers dont on dispose, entre les rapports artistiques d’un côté et les rapports économiques de l’autre. Si un décalage se crée, tout le monde en sort frustré. Le rôle du chef opérateur revient aussi à dire ce qui est possible et ce qui ne l’est pas, même si c’est au directeur de la production d’en décider à l’avance.

Quelles sont vos relations avec les différents techniciens sur les plateaux de tournage ? Leur laissez-vous à votre tour une marge de manœuvre ?

Absolument. Je fais confiance aux techniciens et leur laisse une part de liberté. Le fait d’être plus expérimenté, d’être moins angoissé et plus détendu sur un plateau de tournage me permet aujourd’hui de déléguer mon travail. Il est important d’être entouré de gens de confiance, de gens compétents et attachants. Cela donne de bien meilleurs résultats.

Quels problèmes vous arrivent-ils de rencontrer ?

De douter. Comme dans tout métier créatif, on se demande sans cesse si ce qu’on fait est juste ou pas. L’une des difficultés de ce métier, c’est d’avoir la force de se remettre en question pour pouvoir laisser s’exprimer sa créativité.

 

En comparant les images des films sur lesquels vous avez travaillé, il me semble qu’on y retrouve un style particulier – un style basé avant tout sur des jeux d’ombres. Dans quelle mesure en avez-vous conscience ?

Il est difficile de parler de style quand on parle du travail d’un directeur de la photographie. Je mène sur chaque film un travail différent qui correspond à ce que le réalisateur me demande. Peut-être peut-on parler de « pâte ». Il y a peut-être des choses qui reviennent à chaque fois, une certaine manière de faire…

Quels sont les directeurs de la photographie dont vous reconnaissez le talent ?

J’ai été très influencé, plus jeune, par le travail de Néstor Almandros, le chef opérateur de Truffaut. A l’époque, je regardais beaucoup les films de Truffaut, La Nuit Américaine, notamment, qui m’a donné envie de faire du cinéma. Néstor Almandros a écrit un livre qui s’intitule Un Homme à la Caméra, dans lequel il revient sur son métier de directeur de la photographie. Un autre livre m’a également marqué : celui d’Henri Alcan, Des Lumières et des Ombres. J’ai découvert le métier en lisant ces ouvrages. Cela m’a permis de comprendre le rôle du directeur de la photographie. Sinon, j’apprécie beaucoup le travail effectué par Harris Savides, le chef opérateur des films de Gus van Sant, d’American Gangster et de Zodiac. Je pourrais en citer d’autres… Disons, Dion Beebe.

Quelles sont pour vous vos plus belles réussites ?

Je trouve qu’Ils (2006) et Les enfants de Timpelbach (2008), les deux longs-métrages auxquels j’ai participé, constituent les meilleurs fruits de mon travail, dans la mesure où ils ont une identité visuelle qui leur est propre.
J’ai fait de bonnes choses, je pense, pour certaines pubs et certains clips, mais ce n’est pas pareil. L’objectif est plus commercial. En fait, je suis surtout content de réussir à créer un univers différent pour chaque film.

Au contraire, avez-vous des regrets ?

Je ne regrette rien parce que tout ce que j’ai fait m’a servi. Il fallait le faire. Vivre mon destin.
Mais, il y a des choses, quand même, que je ne ferais plus aujourd’hui.

Depuis Les enfants de Timpelbach, avez-vous d’autres projets ?

Des projets de clips et de publicités – artistiquement plus intéressants qu’auparavant. Des longs-métrages aussi : un polar et une comédie sont en cours…. L’année 2009 sera bien remplie !

Enfin, quels conseils pouvez-vous donner à un jeune qui désirerait se lancer dans la profession ? De quelles compétences doit-il disposer ?

De la patience, de la curiosité, de l’intérêt pour toute forme de cultures, de rencontres et d’univers. Il ne faut pas se cantonner au cinéma, mais élargir ses intérêts à un maximum de choses. Le cinéma lui-même se nourrit d’autres choses. Il faut s’intéresser à la photographie, à la musique aussi… Quelqu’un m’a dit un jour : « Il n’y pas de talent, il n’y a que de l’envie. »

 


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