Entretien avec Andrew Currie

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A l’occasion de la sortie en salle du film Fido

En voyant votre film, on pense tout de suite à Shaun of the dead.

Andrew Currie : Oui, c’est vrai, l’analogie est inévitable entre mon film et Shaun of the dead. Mais je crois qu’Edgar Wright (le réalisateur de Shaun of the dead) a voulu faire un film parodique citant les modèles de films de mort vivant comme La Nuit des morts vivants par exemple. Je pense notamment à la fin de son film qui fait directement référence à la maison assiégée dans le film de Romero. C’est ça que j’ai aimé dans son film, redorer le blason d’un genre peu estimé et en profiter pour faire rire toute la famille.

Quelque part votre film est tout aussi parodique.

Andrew Currie : Il est parodique mais je pense m’être attaché un peu plus à l’aspect politique et social de notre société que dans Shaun of the dead. Je voulais faire rire tout en étant un peu méchant, profiter de l’aspect comique pour balancer quelques critiques sur notre monde. Je prends comme exemple To be or not to be d’Ernst Lubitsch. C’est un film incroyable dans sa manière d’aborder de front l’absurdité du nazisme sous des allures de comédie.

Justement, seriez-vous d’accord avec le fait qu’à travers la comédie, il soit plus facile d’aborder des sujets graves ou des faits de société ?

Andrew Currie : Bien sûr, c’est même d’ailleurs la meilleure manière de faire passer des messages sans être trop ennuyeux ou moralisateurs. C’est tout le problème des films qui se veulent témoins d’une tragédie ou qui traitent d’un sujet grave avec le plus grand sérieux. Il y aura bien sûr un public pour ça, mais il sera réduit. Je préfère les films qui jonglent entre le grave et le léger. On peut prendre M.A.S.H aussi comme exemple. C’est incroyable, en tant que spectateur, de se surprendre en train de rire alors que l’on voit des images de guerre. J’adore le film de Robert Altman pour cela. Peu de films ont réussi à avoir cet équilibre.

Votre film débute sur des actualités traitant de la guerre impitoyable entre les humains et les zombies. Votre film à ce moment là a des allures de film de « propagande ».

Andrew Currie : « Propagande » est peut-être un peu trop fort, mais j’ai voulu montrer, de la même manière que le font dans les journaux télévisés de tous les jours, comment il est facile de déshumaniser un ennemi potentiel. Dans n’importe quelle guerre, l’Autre est une espèce dangereuse qu’il faut à tout prix détruire si on ne peut la contrôler. Dans mon film, l’ennemi est contrôlé.

Oui, grâce à un collier électronique. De nos jours, de nombreux pays seraient prêts à mettre ce genre de gadgets autour du cou des repris de justice. Est-ce là une métaphore d’une possible dérive des états totalitaires ?

Andrew Currie : On peut le voir de cette manière. Mais sans aller jusqu’au totalitarisme, tous les jours on essaye de contrôler les éléments perturbateurs. En ce qui me concerne, j’essaye de montrer avec humour quels pourraient être les bienfaits de ce genre de mesures. S’il y a un aspect barbare au début, rapidement, les sentiments s’installent durant le film. Je pense notamment à l’idylle entre Fido et la mère de famille.

La séquence du lavage de voiture est à ce propos vraiment très drôle. Vous n’aviez pas peur de tomber dans le ridicule avec cette histoire d’amour ?

Andrew Currie : C’était le risque qui nous a motivé à aller jusqu’au bout de cette idée complètement farfelue. A partir du moment où tout le monde sait que c’est improbable, il est d’autant plus facile de baliser un nouveau terrain. Et je pense qu’une histoire d’amour entre une femme et un mort-vivant n’a encore jamais été vue au cinéma.

En parlant de scènes que l’on voit rarement au cinéma, celle de l’apprentissage des armes à feu à l’école était-elle un petit « coup de gueule » contre le lobby des armes ?

Andrew Currie : En effet, je ne suis pas partisan de cette fascination des armes à feu, et l’occasion était trop belle de montrer à quel point l’embrigadement dans l’amour des armes et l’auto justice sont des idéologies destructrices. Dans le film, le gardien en chef du réservoir de zombies a été un de ces enfants à qui on a appris à tirer, et qui ne fonctionne que parce qu’on lui a appris. Autant dire pas grand-chose.

Vous n’épargnez pas grand monde dans votre film et vous le politiquement incorrect ne semble pas vous faire peur. Vous n’avez pas eu de problèmes avec la censure ?

Andrew Currie : Justement, c’est bien là toute l’ironie de ce genre de film. Si j’avais voulu faire un film sérieux sur des zombies, j’aurai du en rester au cadre du genre. Et il m’aurait été plus difficile de montrer certaines scènes. Mais étant donné que c’est une comédie, les aspects politiques n’ont pas posé de problème. Les censeurs pensent toujours que ce sont les films violents qui font le plus de dégâts. Mais je ne crois pas que ce soit toujours le cas.

Il y a aussi dans votre film un discours très fort sur le concept de « corps marchandise ». Les zombies domestiqués font le ménage, les courses, le jardin…

Andrew Currie : Tous les jours je vois des panneaux publicitaires où l’homme ou la femme sont des faire-valoir pour tel ou tel produit. Dans toutes les guerres on peut voir des milliers de jeunes se faire tuer. Ils ne sont que des corps agissant selon les ordres. Le corps est ultra « marchandisé » et personne ne trouve ça étrange. Moi, je montre une facette de cette aberration.

Sur le plan politique et social, votre film est très proche de celui de Joe Dante, Homecoming, où des soldats morts reviennent à la vie pour voter.

Andrew Currie : Oui, mais je trouve que le film de Dante est bien plus engagé que le mien ! Fido est un film drôle et cynique sur notre société. Alors que celui de Joe Dante est vraiment contestataire. Il n’a rien de drôle, ses personnages sont tous arrivistes et égoïstes, et les zombies sont dangereux. Les miens aussi, mais ils sont domestiqués.

Propos recueillis en février 2007 par Denis Baron à l’occasion de la projection du film au Festival du Film Fantastique de Gérardmer.

Titre original : Fido

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Durée : 91 mn


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