Emma Peeters

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Un film comique et tendre sur un sujet tabou, la mort.

Rater sa vie

Production belge et québécoise, d’où la présence de Monia Chokri en rôle principal, le film de Nicole Palo à la fois Belge et Américaine est plus qu’une comédie. C’est une oeuvre importante à l’humour noir décapant, au culot bienvenue par rapport au gnangnan de la plupart des films français qu’on nous sert sur les trentenaires en crise. Emma Peeters va avoir 35 ans et, comme nombre d’intermittents du spectacle à Paris, elle n’a pas réussi en tant que comédienne. Les gens ne se souviennent d’elle que pour une vague pub qu’elle avait tournée et son travail alimentaire chez Tardy comme vendeuse en électroménager ne la fait pas planer. Alors, c’est simple, elle programme sa mort pour le jour de son anniversaire. En effet, il fallait un sacré toupet pour imaginer pareil scénario et le tourner dans un univers à la Amélie Poulain, avec une belle lumière et des décors léchés comme pour accentuer la désespérance de la vie urbaine.

 

 

Pourquoi vouloir mourir ?

Après quelques courts métrages et un long, Get Born, réalisé en 2008 pour Arte, Nicole Palo est devenue experte pour le programme Media de L’Union Européenne. Son dernier film est une grande réussite parce qu’il propose un autre imaginaire que celui que les médias et les modes nous imposent de nos jours. Sa note d’intention est claire sur ce point : « Ce film est conçu comme une pilule thérapeutique pour quiconque a un jour pensé tout envoyer balader sans jamais oser le faire. A l’ère de la pensée positive, du développement personnel, de l’éternelle quête de bonheur et d’épanouissement, du culte du Moi, force est de constater : les gens ne sont pas plus heureux qu’avant. La plupart n’ont pas la vie dont ils ont rêvé. Et bien souvent, pour échapper à la frustration, ils font des compromis avec leur idéal. » Le film repose sur l’interprétation parfaite de Monia Chokri sans cesse à l’image, ou presque, sorte d’Amélie Poulain déjantée, dans un Paris qui déchante même si le décor est parfois enchanteur grâce à la lumière de Tobie Marier Robitaille. Il faut dire aussi qu’elle est accompagnée d’un comédien hors pair, Fabrice Adde, qui forme avec elle un beau duo de comédie farfelue.

 

 

Eros et Thanatos

Ce n’est pas non plus une énième romance, ni un film qui donne la pêche, non Emma Peeters est un film drôle certes, mais rare et intelligent qui n’a pas peur, comme pense savoir le faire la tradition Halloween, de jouer avec la mort et ses thématiques. Le thème de la vie qui angoisse et fait faire souvent n’importe quoi est ici décliné de diverses manières d’un ton badin, que ce soit sur le choix de son propre cercueil, tout comme sur la meilleure façon de mourir cherchée sur Internet ou encore le corbillard comme citrouille de Cendrillon. On ne dévoilera rien, ou si peu, mais bien sûr le film possède un happy end quelque peu attendu comme pour détendre l’atmosphère à la fois pesante (car le sujet est grave, finalement) et l’humour ravageur (car, en fait, tout le monde est libre de choisir d’en finir avec la vie). Une fin qui redonne le moral parce que finalement les raisons de vivre sont souvent devant nos yeux et on ne les voit pas, il suffit qu’un élément se détraque pour tout remettre en place. « Il y a une grande part personnelle dans mes films, déclare la réalisatrice dans le dossier de presse du film. Emma Peeters est la somme de tous mes défauts. (La pauvre !) Alors, je ne peux pas dire que ce soit purement autobiographique. C’est une transposition, une exacerbation, une juxtaposition de situations et d’expériences vécues ou observées qui finissent par avoir leur vie propre. J’ai l’impression de ne rien inventer, mais plutôt de mettre en musique. Je suppose que le point de vue ironique est personnel aussi. Je préfère toujours rire… de tout, même de la mort. »

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Durée : 87 mn


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