Doctor Strange

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Dernier né de la franchise Marvel, « Doctor Strange », malgré quelques idées, s´empêtre dans un univers composite peu original et trop superficiel.

L’ouverture de Doctor Strange est taillée au cordeau et précipitée, en quelques plans dégraissés et raccords secs, elle nous fait passer d’un rituel obscur à l’ornement moyenâgeux à une Londres contemporaine, par le biais d’une même porte, un portail opérant le basculement de personnages devenus soudain anachroniques dans leur parure d’un autre temps. Cette introduction bien menée laissait présager une juxtaposition spatio-temporelle porteuse de belles idées, au service d’une structure plus classique de mondes parallèles. En effet, peu après, nous plongeons de plein fouet, et à la suite d’un rythme tout aussi preste, dans les coulisses d’un hôpital où le vif neurochirurgien Stephen Strange s’apprête à pratiquer une délicate opération. L’occasion de découvrir la personnalité de l’homme phare du long métrage et qui lui donne son nom et de retrouver (encore, à la suite de la série Sherlock Holmes ou de The Imitation Game – Morten Tyldum, 2014) Benedict Cumberbatch dans une variation autour d’un type d’individu doté d’une extrême agilité intellectuelle adossée à des caractéristiques comportementales frôlant la sociopathie. Ce niveau d’alerte qui soutient le rythme du film et les traits du personnage est brusquement brisé par un accident de voiture qui fait perdre au médecin l’usage de ses mains. La paume transpercée par des pinces, les phalanges tremblantes, le brillant et vaniteux Docteur Strange se découvre en miettes, état cataclysmique qui enclenche la seconde partie de l’oeuvre.
 

Reprenant son élan débutant, elle quitte les décors hospitaliers pour faire renaître le héros au sein d’une communauté mystique et pratiquant la magie dans un lieu secret de Katmandou. La mise en scène déploie alors une succession de territoires, figures et motifs composites des plus caractéristiques du genre : intérieurs sombres, en bois, mi-zen mi occultes, vêtements, hiéroglyphes, talismans, jusqu’à la figure de L’Ancien (avec un léger twist de déplacement du sage asiatique vers une femme androgyne interprétée par l’étrange Tilda Swinton) qui représente le groupe cabalistique. Cet ensemble cliché et foisonnant alourdit le long métrage de son apparat et sa profondeur de départ s’éclipse progressivement, décevant par son spectacle superficiel. C’est ainsi que l’incisif et retors Stephen Strange devient rapidement à la fois le plus doué mais aussi le plus servant des membres de la communauté, propulsé bien malgré lui dans une guerres de mondes et une lutte contre le règne de l’Obscurité très convenues, finissant dans un décor psychédélique d’un criard assez risible. Dans ce matériau goinfré et bien trop sommaire, viennent s’ajouter des touches d’humour de rigueur, au programmatisme surligné. Reste ce jeu d’ajustement d’espaces et de portails temporels qui peut rappeller Inception de Christopher Nolan (2010). Dépourvu de l’arrière-plan psychanalytique et de la rigueur conceptuelle de ce dernier, Doctor Strange éparpille cet agencement en strates, manquant d’approfondir le socle de cadres spatio-temporels à couturer et de leur donner du sens ; exigence qui aurait pourtant pu, à l’instar du début du film, développer de façon plus singulière la représentation cinématographique d’un inframonde.

Titre original : Doctor Strange

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Durée : 115 mn


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