Departure

Article écrit par

Un premier long métrage poseur.

Dans une maison de vacances du sud de la France qu’ils s’apprêtent à vendre, Elliot (Alex Lawther) et sa mère Béatrice (Juliet Stevenson), anglais favorisés, partagent un même espace de tranquillité et de beauté naturelle dans un petit village qui va canaliser le désarroi existentiel que chacun est en train de vivre : une inertie adolescente qui s’accompagne de la naissance du désir chez Elliot ; la banqueroute de sa vie de couple pour Béatrice. Elliot fait la connaissance, durant son oisiveté estivale, d’un garçon français de son âge, Clément (Phénix Brossard), pour qui il développe vite une attirance et dont la personnalité est aux antipodes de la sienne.
 

Les désarrois d’Elliot

Andrew Stegall, qui réalise ici son premier long métrage, opte pour une mise en scène qui se veut contemplative et poétique, de plans comme en tableaux d’images, qui glissent, au gré d’une luminosité d’été, d’arbres délicats ou de dîners partagés en tête à tête, au risque de créer à plusieurs reprises des plans un peu poseurs. Ainsi en est-il de cette scène où, Elliot, désœuvré, porte le bout d’un aspirateur à sa joue, créant un effet de ventouse, ou encore dans la répétition d’une disposition des acteurs dans le cadre assez surfaite et figée. Autant de choix esthétiques donnant au film une enveloppe maniérée, voire aseptisée, confirmée par le jeu plutôt faussé des acteurs (s’il on excepte Juliet Stevenson), en dépit de la place accordée aux bruissements des arbres et au flux d’une rivière aux abords du village. On sent les raisons narratives qui amènent cette réalisation : le développement du personnage d’Elliot, apprenti poète à ses heures qui se donne l’âme d’un romantique, une plume dans les cheveux, à la fois fragile et hautain, mal à l’aise vis-à-vis de son homosexualité. A rebours, son ami Clément est construit comme une présence masculine affirmée et abrupte.

Des contraires au bord de la caricature, un manque de personnalité

L’élaboration de cette interaction au cœur du film souffre d’être au bord de la caricature dans la caractérisation des deux personnages : rejet violent et affirmation de soi de Clément, transparence apprêtée d’Elliot. Le trouble que vient semer Béatrice dans cette amitié naissante laisse sceptique, tant il apparaît comme une péripétie vide de sens, un simple prétexte. En définitive, Departure souffre d’un manque de personnalité, s’en remettant à une succession d’effets, à des décors séduisants, parfois sensibles, mais qui ressemblent davantage à des amorces qu’à des idées… Une poésie latente du monde malheureusement réduite par les motifs et enjeux sans aspérité du récit.

Titre original : Departure

Réalisateur :

Acteurs : , , ,

Année :

Genre :

Durée : 109 mn


Partager:

Twitter Facebook

Lire aussi

Darling Chérie de John Schlesinger : le Londres branché des années 60

Darling Chérie de John Schlesinger : le Londres branché des années 60

Autopsie grinçante de la « dolce vita » d’une top-modèle asséchée par ses relations avec des hommes influents, Darling chérie est une oeuvre générationnelle qui interroge sur les choix d’émancipation laissés à une gente féminine dans la dépendance d’une société sexiste. Au coeur du Londres branché des années 60, son ascension fulgurante, facilitée par un carriérisme décomplexé, va précipiter sa désespérance morale. Par la stylisation d’un microcosme superficiel, John Schlesinger brosse la satire sociale d’une époque effervescente en prélude au Blow-up d’Antonioni qui sortira l’année suivante en 1966.

La soif du mal : reconstruction d’un « pulp thriller » à la noirceur terminale

La soif du mal : reconstruction d’un « pulp thriller » à la noirceur terminale

En 1958, alors dans la phase de postproduction de son film et sous la pression des studios Universal qualifiant l’oeuvre de « provocatrice », Orson Welles, assiste, impuissant, à la refonte de sa mise en scène de La soif du mal. La puissance suggestive de ce qui constituera son « chant du cygne hollywoodien » a scellé définitivement son sort dans un bannissement virtuel. A sa sortie, les critiques n’ont pas su voir à quel point le cinéaste était visionnaire et en avance sur son temps. Ils jugent la mise en scène inaboutie et peu substantielle. En 1998, soit 40 ans plus tard et 13 ans après la disparition de son metteur en scène mythique, sur ses directives, une version longue sort qui restitue à la noirceur terminale de ce « pulp thriller » toute la démesure shakespearienne voulue par l’auteur. Réévaluation…