David Lynch: The Art Life

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Invitation précieuse dans « la chambre » intime et créatrice du monde de David Lynch.

Un monde entier réduit « à deux pâtés de maison » (« no bigger than a couple of blocks »), c’est en ces termes que l’artiste David Lynch évoque son enfance heureuse dans une bourgade paisible et verte des Etats-Unis des années cinquante. Un espace circonscrit de white fences, à l’instar de celles de l’inoubliable ouverture de son film Blue Velvet (1986). Cette imagerie d’une Amérique vernaculaire et tranquille, qui travaille en profondeur son œuvre, trouve dans le documentaire de Jon Nguyen son incarnation toute personnelle, élargie à la puissance créative qui habite David Lynch : à deux pâtés de maison ou dans le cerveau d’un homme, on peut faire tenir tout un monde qui n’a rien de délimité ; d’où jaillit le versant étrangement inquiétant qui fonde l’autre face de Janus du paysage lynchien.
 


Raccorder l’artiste à l’homme

Le film suit l’artiste dans son atelier sur les hauteurs ensoleillées d’Hollywood, où plane des réminiscences de Mulholland Drive (2001), tout en accompagnant ses images de la voix off de celui-ci se confiant sur sa jeunesse. Par des procédés cinématographiques assez simples, une matière d’épure qui superpose les séquences de l’artiste au travail à ses confidences, les cinéastes réussissent à raccorder de manière précieuse le geste d’artiste à l’homme, le monde intérieur qui est le sien, à son histoire. Observer Lynch créer est fascinant, les plans forment un assemblage de coulures sur toiles, de peinture grattée, de matériau trituré, malaxé. Ils sont le réceptacle sensoriel et artisanal des mouvements du peintre, du cinéaste : montre en plastique jaune au poignet d’une main qui s’affaire pendant des heures, cigarette au bout des doigts, volutes de fumée, le film nous ouvre délicatement à l’intimité créative de David Lynch. Le récit d’enfance qu’il nous livre, comme par petites touches impressionnistes, apporte un éclairage à l’univers du créateur sans tomber dans la facilité de l’interprétation.
 


La chambre rouge de David Lynch

Bruissements d’insecte sur le bord d’une fenêtre, sons étranges et caverneux qui accompagnent les expérimentations musicales de l’artiste dans le documentaire deviennent la linéature de l’expression de l’individualité de Lynch. En avançant dans son récit autobiographique, une bascule radicale est confiée par l’artiste : un décrochage soudain, en pleine période de l’adolescence, le conduisant à fuir l’école, à changer ses fréquentations et à sécher les cours pour aller débuter son geste d’artiste chez le père peintre d’un camarade. Une bifurcation psychologique, existentielle et sociale brutale, dont on comprend à entendre David Lynch, qu’elle n’a au fond rien des déviations normales de l’adolescence mais agit comme un déclencheur, l’affirmation violente et sans retour d’un véritable besoin de créer. Comme une métaphore de « la chambre rouge » déclinée dans sa série Twin Peaks, le film réceptionne la lancée de la « chambre artistique » et mentale de Lynch, en accueillant ses dires. David Lynch : The Art Life se donne, dans sa courte durée, comme un coffret sensible et presque secret, ouvert à l’imaginaire d’un homme dont la mère refusait les dessins pour enfants à colorier, préférant « une page blanche » pour que son fils s’exprime librement.

Titre original : David Lynch: The Art Life

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Durée : 90 mn


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