Daratt (saison sèche)

Article écrit par

Le Tchad. La guerre. Avant tout, Daratt est un film sur l’Homme, les sentiments qu’il éprouve à l’égard des autres, le pardon que lui seul est en mesure d’accorder. Le récit de ce film ne concerne pas la guerre à proprement dite, mais plutôt l’après-guerre d’un pays qu’il faut relever. Mais aussi les hommes qui, […]

Le Tchad. La guerre. Avant tout, Daratt est un film sur l’Homme, les sentiments qu’il éprouve à l’égard des autres, le pardon que lui seul est en mesure d’accorder.
Le récit de ce film ne concerne pas la guerre à proprement dite, mais plutôt l’après-guerre d’un pays qu’il faut relever. Mais aussi les hommes qui, jour après jour, doivent apprendre à vivre dans un nouvel univers, un nouveau monde bouleversé par cette guerre. Le réalisateur angle très précisément son film de cette manière et observe la reconstruction du Tchad à travers les yeux d’Atim, 16 ans, que son grand-père envoie à N’djamena afin qu’il venge son père. Ce film possède une grande dimension humaniste. Les idées de vengeance et de pardon sont intimement liées et s’entremêlent tout le long du film. Mais derrière la quête d’Atim qui oscille entre la vengeance et le pardon, la question qui émerge est la suivante : comment grandir et se construire dans le Tchad d’aujourd’hui ?

Avec justesse, Mahamat Saleh Haroun pose un regard sur des questions difficiles telles que la façon dont il faut réagir face à l’impunité ou encore la légitimité qu’a une génération de faire peser le poids (et les conséquences) d’une guerre sur les générations futures.
En effet, le grand-père d’Atim a vu son fils mourir pendant la guerre civile et apprend que le gouvernement déclare l’amnistie générale pour tous les criminels de guerre. L’impasse. Qui rendra alors justice à ces nombreuses victimes ? Deux seules solutions : la vengeance ou le pardon. La vengeance parait alors plus simple aux yeux d’Atim, orphelin de père mais aussi de repères. Seulement, il va se rendre compte qu’il n’est pas si simple d’ôter la vie. Il désire se laver de toutes ces horreurs mais tuer n’est en réalité pas à la portée de tous. Le pardon non plus.

Pour mettre en avant ce thème délicat, Mahamat Saleh Haroun soigne sa mise en scène en optant pour un traitement implicite. La beauté du film réside dans celle des paysages ; le désert à perte de vue, la blancheur éclatante et immaculée des maisons, les couleurs vives des costumes. Paradoxalement, cette beauté traduit la dureté de la vie qui s’est installée au lendemain de la guerre civile, dans un pays encore fragile. Le réalisateur use ici d’un regard original, aucun discours sur cette guerre, ce qui l’a déclenchée, perpétrée. Il ne traite pas non plus de la manière dont elle s’est déroulée, du nombre de morts qu’elle a causé. Non. Il projette le spectateur dans le Tchad, au moment même où la commission rend son verdict : amnistie générale pour tout les criminels de guerre. Ni sang, ni combats, ni batailles. Il s’attache à une histoire personnelle perdue au milieu de tant d’autres pour rendre compte des effets de cette guerre. Il se penche sur les émotions humaines, le ressenti, et il voit juste, sauf peut-être dans la manière dont il les retranscrit.

Pour interpréter les sentiments, la caméra effectue des cadrages serrés. Les mains tremblantes, le visage déformé par la peur, Atim tente à plusieurs reprises de tuer Nassara, l’assassin de son père. Les longs silences sont lourds de sens. Parfois trop. Le regard du réalisateur est trop appuyé sur ces émotions. Les sentiments comme ceux de la colère ou de la peur sont excessifs. Les acteurs surjouent, dénaturant quelque peu le film qui parait ainsi moins crédible. Dommage, car Daratt s’attaque à un sujet complexe certes mais très intéressant et peu étudié. L’originalité que Mahamat Saleh Haroun avait trouvée dans son angle de traitement s’évanouit peu à peu sous la difficulté qu’il a à traduire les sentiments de ses personnages, éléments pourtant clés de son récit.

Titre original : Daratt

Réalisateur :

Acteurs : , , ,

Année :

Genre :

Durée : 96 mn


Partager:

Twitter Facebook

Lire aussi

Le pavillon d’or

Le pavillon d’or

En incendiant la pagode dorée de Kyoto, relique architecturale, un jeune bonze expérimente une catharsis intérieure et la purgation des traumatismes qu’il a vécus jusqu’alors. Adaptant librement le roman de Yukio Mishima dans un scope noir et blanc éclairant le côté sombre du personnage, Kon Ichikawa suit l’itinéraire d’apprentissage torturant qui a conduit son antihéros à commettre l’irréparable.

La classe ouvrière va au paradis

La classe ouvrière va au paradis

Avec « La classe ouvrière va au paradis », Elio Petri livre un pamphlet kafkaïen sur l’effondrement des utopies du changement au sein de la mouvance ouvrière. Le panorama est sombre à une époque où l’on pouvait encore croire dans la possibilité d’un compromis politique et idéologique entre le prolétariat et les étudiants extrémistes militants en tant que ferment révolutionnaire. A l’aube des années 70, le cinéaste force à dessein le trait d’une aliénation au travail confrontée aux normes de productivité. Analyse…