Au XIV° siècle, les Florentines traversent la ville à grands pas, bouquets de fleurs fraîches à la main et il arrive parfois qu’un homme se jette sur l’une d’entre elles pour l’embrasser. Ou qu’un autre se jette du haut d’un clocher. En vérité, l’odeur des fleurs ne sert qu’à se préserver des odeurs pestilentielles et certains hommes se refusent à mourir seuls du fléau qui les a frappés. La peste ravage aveuglément Florence, sans épargner les jeunes gens qui meurent sans avoir eu le temps de vivre. Sept filles et trois garçons, dont trois couples d’amoureux, prennent alors la décision de prendre la clé des champs, où ils passeront le temps à se raconter des histoires dont les héros seront l’amour, souvent, et la mort, parfois. Les Taviani gardent le récit cadre du Décaméron et en extraient cinq des cent nouvelles que contient le recueil pour filmer, selon leurs dires, « de belles filles, de beaux acteurs et de beaux paysages toscans ».

Avec leurs longues chevelures coiffées en tresses épaisses, leurs longues robes aux couleurs vives et franches qui sont autant d’aplats bleu, rouge ou vert, les héroïnes de ces Contes sont les sœurs des Ophélie et des Proserpine préraphaélites, proposant ainsi du Moyen-Age et des paysages toscans une image d’autant plus fantasmée et d’autant plus opposée à celle de la ville. Des fuites d’arcades qui masquent l’horizon, de vastes places vides où se dressent les masses des hauts campaniles, la ville a la géométrie parfaite des Cités idéales du Quattrocento. Mais cette cité est viciée, hantée par le mal invisible qui fige les vivants dans ce temps immobile de la mort ; l’idéal se mue alors en un tableau de Chirico dont le film gardera l’apparence hiératique jusqu’à la fin.
C’est de ce statisme que vient la légère déception ressentie face au film : il n’y a rien à reprocher à la mise en scène et à la photographie, mais pour raconter ces histoires où l’amour est toujours plus fort que la mort, les Taviani ont davantage tourné leur regard vers le ciel des Idées que vers la terre, rendant ainsi leur propos très éthéré. Ces Contes italiens possèdent néanmoins le même charme désuet des romans courtois ou pastoraux que pouvait avoir Les amours d’Astrée et de Céladon (Eric Rohmer, 2007) et rappellent que le cinéma est fort quand il se contente, tout simplement, de nous raconter des histoires.