Chabada, la vie des hommes

Article écrit par

En même pas une heure, le cinéaste nous donne une approche documentaire et quasiment ethnologique de la rencontre entre un homme de la montagne et un homme de la ville. Rencontre improbable et mystérieuse, comme toute rencontre entre êtres humains que tout sépare, sorte de fable du rat des villes et du rat des champs, […]

En même pas une heure, le cinéaste nous donne une approche documentaire et quasiment ethnologique de la rencontre entre un homme de la montagne et un homme de la ville. Rencontre improbable et mystérieuse, comme toute rencontre entre êtres humains que tout sépare, sorte de fable du rat des villes et du rat des champs, le film fonctionne parce qu´il est humain, profondément humain. En effet, il fallait penser mettre en images la cohabitation, non pas de deux hommes politiques (ce qui ne serait pas très photogénique, ni très instructif sur la grandeur de l´âme), mais d´un batteur de jazz parisien et d´un gardien de refuge des Pyrénées. Curieux de leurs passions, ils vont passer une sorte d´accord bien sûr, sinon il n´y aurait pas de film : Bertrand, le citadin endurci, viendra vivre dans le refuge de Tonio pendant toute la saison d´été de juin à octobre. Bertrand lui apprendra la batterie et Tonio, fort de sa sagesse ancestrale, lui apprendra la vie, les animaux et la solitude.

Belle idée de film, belle idée de reportage qui montre que la vie est un tout, que la montagne est belle sans clichés, et que la rencontre des hommes entre eux est possible, sans sous-entendu érotique ou passionnel. Et c´est dans la montagne que nous comprendrons mieux finalement ce qu´est le jazz, et son chabada (célèbres paroles d´un film éminemment célèbre, on ne sait plus pourquoi, sauf à cause de cette chanson << chabada bada, ton coeur qui bat >>, etc.) qui désigne une formule rythmique ternaire (cha-ba-da) pas facile à répéter et qui vient renforcer le swing d´un morceau. Il faut voir Tonio suivre péniblement les leçons de son colocataire, avec pour décor l´immense montagne silencieuse. Du coup, les coups de batterie donnés sur la pierre même au coeur de la nature, vont paraître autrement plus efficaces.

Chaque séquence, comme pour donner une dimension à notre petitesse, et un cadre à la beauté des choses, est ponctuée d´une image fixe sur cette montagne à des moments différents de la journée, avec comme point d´orgue le coucher du soleil. On en vient à se demander s´il s´agit d´un film sur la montagne, sur la musique ou sur la vie des hommes. Philippe Crnogorac, à qui l´on doit entre autres sept films documentaires, répond à la question directement dans l´entretien qu´il a accordé pour le dossier de presse : << C´est bien sûr un film qui parle de musique, des émotions qu´elle peut provoquer mais aussi de la difficulté d´apprendre, de créer. Je voulais aussi que l´on sente la montagne comme une entité vivante, avec ses humeurs, parfois joyeuse, parfois inquiétante, comme un personnage qui participe à l´atmosphère du film. >>

C´est donc une réussite de ce point de vue, car il s´agit bien d´un film d´apprentissage de la musique, mais d´apprentissage aussi de la vie, de cette vie qui se collette à nous et nous donne la force aussi d´aimer. Une séquence montre bien cette belle amitié entre hommes, si tendre et si pudique à la fois, lorsque Tonio, au moment où Bertrand va partir, confie qu´il a peur maintenant de retrouver sa solitude. Inutile de préciser que les deux protagonistes du film interprètent leur propre rôle, leur propre vie et que le film raconte bien cette vie des hommes au contact notamment des animaux, comme ce petit âne sur le chemin de la vie et des apprentissages.

Titre original : Chabada, la vie des hommes

Réalisateur :

Acteurs :

Année :

Genre :

Durée : 57 mn


Partager:

Twitter Facebook

Lire aussi

L’étrange obsession: l’emprise du désir inassouvi

L’étrange obsession: l’emprise du désir inassouvi

« L’étrange obsession » autopsie sans concessions et de manière incisive, comme au scalpel ,la vanité et le narcissisme à travers l’obsession sexuelle et la quête vaine de jouvence éternelle d’un homme vieillissant, impuissant à satisfaire sa jeune épouse. En adaptant librement l’écrivain licencieux Junichiro Tanizaki, Kon Ichikawa signe une nouvelle « écranisation » littéraire dans un cinémascope aux tons de pastel qui navigue ingénieusement entre comédie noire provocatrice, farce macabre et thriller psychologique hitchcockien. Analyse quasi freudienne d’un cas de dépendance morbide à la sensualité..

Les derniers jours de Mussolini: un baroud du déshonneur

Les derniers jours de Mussolini: un baroud du déshonneur

« Les derniers jours de Mussolini » adopte la forme d’un docudrame ou docufiction pour, semble-t-il, mieux appréhender un imbroglio et une conjonction de faits complexes à élucider au gré de thèses contradictoires encore âprement discutées par l’exégèse historique et les historiographes. Dans quelles circonstances Benito Mussolini a-t-il été capturé pour être ensuite exécuté sommairement avec sa maîtresse Clara Petacci avant que leurs dépouilles mortelles et celles de dignitaires fascistes ne soient exhibées à la vindicte populaire et mutilées en place publique ? Le film-enquête suit pas à pas la traque inexorable d’un tyran déchu, lâché par ses anciens affidés, refusant la reddition sans conditions et acculé à une fuite en avant pathétique autant que désespérée. Rembobinage…