Certifiée halal

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Sympathique, mais trop foutraque, on dirait que le film rate un peu sa cible.

Sorte de Don Camillo du bled, cette comédie pourrait être qualifiée de franchouillarde si elle ne s’auto-revendiquait autant franco-algérienne, rendant un hommage appuyé au regretté Max Pécas. C’est dire qu’il ne faut pas prendre ce film très au sérieux même si son propos, sans être franchement politique, se veut quand même libertaire, engagé dans la lutte des femmes maghrébines pour leur liberté et leur indépendance. Sans doute parce qu’il n’en a pas eu l’autorisation, Mahmoud Zemmouri fait militer son héroïne, Kenza Boukamache, interprétée par Hafsia Hersi dont on se demande ce qu’elle vient faire ici. On aura deviné, dès le départ, avec le côté caricatural des personnages tant dans la cité de banlieue en France qu’au fin fond du bled algérien, que le film ne va pas faire dans la dentelle. Pourtant, Certifiée halal n’est pas antipathique puisqu’il dénonce à sa manière, burlesque et farfelue, souvent de mauvais goût mais avec un grand enthousiasme, la bêtise et l’étroitesse des esprits qui ne pensent qu’à la réussite sociale, aux apparences et aux traditions. 
Kenza, militante féministe en France, est la honte de sa famille. Son frère, aidé des cousins du « bled », va la droguer au GHB pour l’emmener contre son gré en Algérie afin de la marier, et c’est là que les ennuis commencent. On est censé rire beaucoup même si le sujet est assez pathétique. Et pourtant, on ne cesse de se demander où veut nous conduire le réalisateur qui nous avait offert par exemple Prends dix mille balles et casse-toi en 1981 qui, sans être plus sophistiqué, avait peut-être plus de puissance. Ici, on dirait que le rire représente un frein au scénario car les situations nous mettent souvent mal à l’aise, comme si, par exemple, les femmes algériennes se satisfaisaient parfaitement de la situation dans laquelle les hommes et la société les enferment. Finalement, et c’est sans doute une de ses prouesses certes involontaire, le film pose la question du peut-on rire de tout qui mine notre société depuis les attentats anti-Charlie de janvier 2015. On sait bien que Gérard Oury raillait le nazisme dans La Grande Vadrouille (1966) ou se moquait des traditions juives orthodoxes dans Les Aventures de Rabbi Jacob (1973), mais ces films étaient servis par de bons scénaristes et des acteurs talentueux. Or, Smaïn Fairouze n’a rien d’un Louis de Funès ou d’un Bourvil, et la révolte de Kenza semble surjouée par une Hafsia Herzi quelque peu mal dirigée dans ce film dont on retiendra cependant la prouesse de ne pas nous ennuyer un seul instant, même en titillant le cliché jusqu’à casser la mécanique du rire, notamment dans cette séquence pas du tout halal où les protagonistes se battent autour du mausolée d’un saint dans un no man’s land algérien improbable.

Titre original : Certifiée Halal

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Durée : 85 mn


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