Cassos

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Sorte de brouillon d´une oeuvre à venir, on pourrait reprocher à « Cassos », film d’écrivain de polar, d´hésiter entre plusieurs genres et de laisser le spectateur se débrouiller finalement avec quelque chose qui aurait pu être encore plus expérimental

Cassos, en quelque sorte, c’est soit le casse, soit le cas social, soit casse-toi. On ne sait pas trop bien, mais on pense bien sûr pour la dernière occurrence à « pauvre con », définitivement associé. Philippe Carrese, auteur de polar réputé, se lance ici dans la réalisation. Ce ne devrait pas être une surprise puisqu’il a fait ses études à l’IDHEC (actuelle Fémis) et qu’il a déjà réalisé des téléfilms avant de passer à l’écriture. Avec Cassos, qui casse un peu avec le genre que les Italiens appellent giallo et nous série noire, le réalisateur avoue avoir voulu faire rire, amuser le spectateur « pour le sortir de la morosité ambiante » et lui raconter l’histoire d’un petit homme psychorigide, aux allures de comptable de province (Didier Benureau qui joue le rôle d’un assureur petit et falot) qui entre en fait en contact avec le milieu au départ pour faire éliminer sa femme insupportable et castratrice (Agnès Soral). Il fera du coup équipe avec un jeune tueur, braqueur et surtout pédagogue, Marc (Simon Astier) qui lui apprendra pas mal de choses, notamment à acquérir plus d’assurance avec les armes au point, à la fin du film, de rester le même mais en beaucoup, beaucoup plus méchant.

Le début du film est un peu lent, on a presque envie de sortir de la salle, sans savoir si l’ennui qu’on ressent est lié au mode narratif plutôt décalé, ou si c’est parce que l’histoire nous dérange. Pourtant, à un moment donné, l’histoire et l’ambiance vont décoller sans toutefois atteindre des hauteurs inespérées. Tourné en pleine nuit pour éviter les problèmes qui se posent à un tournage diurne, en plus de son coût, le film est comme l’œuvre collective d’une bande de potes venus à la rescousse, tels que Feodor Atkine, Olivier Sitruk, Patrick Bosso ou encore Wojitek Psoniak en plus de ceux déjà cités précédemment. L’ensemble est donc du coup un peu bancal, lorgnant un peu vers les frères Coen sans la folie douce, et vers Jean-Pierre Melville sans la poésie. Sorte de brouillon d’une œuvre à venir, on pourrait reprocher au film d’hésiter entre plusieurs genres et de laisser le spectateur se débrouiller finalement avec quelque chose qui aurait pu être encore plus expérimental. L’idée de réunir deux personnages complètement opposés, tant par l’âge que par le milieu social et le caractère, dans l’huis-clos presque total d’une petite voiture et de la nuit qui les enveloppe, aurait pu devenir complètement loufoque ou tragique. Mais, par timidité ou manque d’audace, il semblerait que Philippe Carrese se soit presque autocensuré, sauf peut-être dans la scène de l’assassinat de la femme vue de l’extérieur, dans une sorte de neutralité presque bienveillante qui met mal à l’aise et qui donne naissance, brièvement et aussi dans d’autres rares séquences, à ce qu’on pourrait appeler du cinéma. Notamment la scène nocturne dans le bistro qui aurait pu devenir encore plus hilarante, et surréaliste.

L’action du film se passe à Berre-l’Étang dont on ne voit pas grand-chose et qui ressemble plutôt ici à une ville dortoir abandonnée à la périphérie de Marseille. Tourné en fait dans un laps de temps très court, soit 12 jours ou plutôt 12 nuits, le scénario reprend en plus l’unité d’action, de temps et de lieu du théâtre classique. S’expliquant sur ce choix, l’auteur déclare que toute l’équipe est marseillaise, aussi bien les techniciens que la post production, mais que le film aurait aussi bien pu se passer n’importe où. Pourtant la région marseillaise, question pègre et règlements de compte, n’est pas un lieu neutre. On se demande si c’est une bonne ou une mauvaise idée d’avoir gommé à ce point les particularismes locaux. Peut-être que le fait de jouer ce drame tragi-comique à la manière d’une pagnolade aurait mieux faire prendre la mayonnaise, euh pardon l’aïoli. « C’est un choix délibéré, de ne pas faire dans l’exotisme marseillais qui est un vrai piège, j’y ai déjà été suffisamment coincé avec certains de mes romans. », explique le réalisateur. Qui sait si ce n’est pas dommage, mais qui saurait le dire ?

Titre original : Cassos

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Durée : 83 mn


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