Blue Jean

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Une loi homophobe dans l’Angleterre de Thatcher libère paradoxalement une jeune professeur.

Section 28, loi homophobe

Pour son premier long-métrage, après un court très remarqué dans les festivals (Little Bird), Georgia Oakley réputée anticonformiste s’attaque à un sujet difficile mais dont elle sort vainqueur. Après avoir lu par hasard les ravages engendrés par la Section 28, un ensemble de lois prohibant la promotion de l’homosexualité au Royaume-Uni en 1980 par le gouvernement Thatcher et encore valable au début des années 2000, elle a commencé à écrire le scénario de ce qui deviendra Blue Jean, soutenue par une productrice française installée à Londres, Hélène Sifre, et qui a fait aussi son coming out récemment. La réalisatrice était alors à l’école primaire et n’avait pas entendu parler de cette loi discriminatoire qui avait été combattue notamment par un groupe de lesbiennes qui avaient réussi à descendre en rappel dans la Chambre des Lords pour manifester leur désapprobation. Même si Georgia Oakley n’aime pas qu’on lui parler de progrès dans l’acceptation de l’homosexualité dans nos sociétés contemporaines, on peut quand même observer qu’actuellement il serait difficile de faire accepter une telle loi, du moins en Europe occidentale. 

   

Film militant un peu strict

Son film raconte donc l’histoire d’une jeune professeur d’EPS qui, en raison de son métier, ne veut pas s’avouer homosexuelle auprès de ses collègues et de ses élèves et qui le vit très mal malgré son attachement à une autre femme qui affiche de manière même provocatrice son homosexualité. On va éviter de trop raconter le film mais, en raison d’un concours de circonstances, Jean risque d’être renvoyée de l’école et de perdre son travail si on découvre qu’elle préfère les femmes. Georgia Oakley raconte donc le périple de Jean jusqu’à l’acceptation complète de sa sexualité et dépeint un monde, celui de l’enseignement et, en parallèle, celui de la nuit et des associations lesbiennes qui existaient alors en marge de cette loi discriminatoire et par opposition. Très volontiers éloigné des « kitchen sink drama », courant artistique britannique des années 1950, se rapprochant du réalisme social, Blue Jean se présente plutôt comme un film militant et c’est ce qui en fait à la fois sa force mais surtout sa faiblesse car cette volonté d’imposer un mode de vie se fait parfois au détriment d’une certaine véracité et d’une authenticité. Pas nécessairement au niveau de la reconstitution de l’époque avec des décors et une image de cinéma argentique signée par un chef opérateur français, Victor Séguin, mais par le scénario qui frise parfois le paradoxe. Cependant les actrices sont fabuleuses, tout autant Rosy McEwen dans le rôle titre (avec son petit air à la Jean Seberg) que Kerrie Hayes dans celui de Viv, sa petite amie, et une mention toute particulière à Lucy Halliday pour sa prestation de Lois, l’élève à la fois fragile et combattive qui émeut toute la communauté scolaire.

D’excellentes actrices

C’est un film inclassable, à la fois tendre par moments, mais surtout un peu trop militant ce qui lui obère beaucoup de crédibilité car le scénario manque parfois d’une once de psychologie car il est rare que, dans la vrai vie, les opinions des gens soient aussi tranchées. Il laisse peu de place aussi au propre imaginaire des spectateurs et leur ôte même le minimum d’interaction avec ce que la réalisatrice, qui est aussi la scénariste, nous raconte. Si bien que même l’actrice principale, Rosy McEwen, se croit autorisée à porter un jugement de valeur sur le personnage qu’elle incarne en lui prêtant des intentions qu’elle n’a peut-être pas : « J’avoue que j’adore les anti-héros. C’est si rafraîchissant à voir, car nous faisons tous des erreurs. Cependant, Jean fait des erreurs parce qu’elle est terrifiée, et elle est convaincue que c’est la seule façon de maintenir l’équilibre fragile qu’elle a mis en place. Parfois, elle est amenée à faire de mauvaises choses pour les bonnes raisons. » Bonne chose, mauvaise chose, ce manichéisme cher aux Anglo-Saxons est ici à l’oeuvre alors que l’anti-héroïne ne cherche qu’à survivre dans ce monde thatchérien et se débat pour y parvenir. D’ailleurs, la fin du film, très militante, semble un peu plaquée au vu de la psychologie du personnage principal dont on comprend mal la soudaine évolution.  

 

Titre original : Blue Jean

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Durée : 97 mn


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