Trois petits enfants jouent à cache-cache dans un squat désaffecté. Ils courent au ralenti, cheveux au vent et sourire en berne, au rythme d’une musique anxiogène qui brouille cette image de bonheur publicitaire. Une menace rôde. Le petit garçon retrouve la première petite fille mais 1, 2, 3, de la deuxième il ne reste qu’un soulier rouge et 4, 5, 6 son corps sans tête dans la forêt quelques jours plus tard. Le loup a encore frappé, vite suspecté d’être déguisé en mouton sous les traits d’un professeur en théologie. L’homme sera bientôt la cible d’un flic aux méthodes contestables (à base de coups d’annuaire) et du père de la dernière petite victime, ancien soldat de Tsahal et un brin sociopathe. On connaît la rengaine, l’homme est un loup pour l’homme, surtout quand il dispose d’un chalumeau ou même d’une scie pour faire avouer ses crimes à un de ses congénères.
On ne le répètera jamais assez, il y a des campagnes d’affichage qui agacent avant même que l’on ait vu une seule image du film. L’affiche de Big Bad Wolves est ainsi barrée de cette citation tarantinesque : « C’est le meilleur film de l’année ». Rien que ça. Adoubé de cette manière par Sa Majesté Quentin, le film se retrouve investi d’une attente démesurée et a plutôt intérêt à remplir cette promesse pour ne pas être accusé de publicité mensongère.
Keshales et Papushado s’étaient déjà fait remarquer il y a quatre ans pour avoir réalisé Rabies, le premier film d’horreur israélien (qualificatif d’ailleurs quelque peu abusif) sorti directement en DVD. La rage dont il est question dans le titre est celle qui anime les personnages pris dans un jeu de massacre aussi subi qu’absurde. Piège à loup, mines, hache, tout était bon pour que des ados, des policiers et un serial killer se trucident gaiement sans d’autres raisons que la jalousie, la perversité et beaucoup de malentendus. Les personnages croisés dans Big Bad Wolves pourraient être des cousins de cette bande d’énervés, des cousins qui pratiqueraient la torture dans une cave insonorisée plutôt qu’en pleine forêt.
Le tandem se réclame du film J’ai rencontré le diable (Jee-woon Kim, 2011). Encore une comparaison qui fait mal. Car si les premiers plans prétendent démontrer qu’ils savent de quoi ils parlent en matière de mise en scène, ce qui suit vient vite calmer nos ardeurs. Plan large, plan moyen, plan serré et on recommence depuis le début dans un rythme ternaire qu’ils tiendront jusqu’au final. Le plus compliqué pour le spectateur étant les plans serrés puisqu’ils sont surtout utilisés durant les séances de torture, plutôt complaisantes et à la limite de l’Hostel (Eli Roth, 2005). Certains seront choqués par la violence de ces images, mais d’autres le seront surement par l’humour noir qui les enrobent maladroitement. Concocter un gâteau au son d’Everyday de Buddy Holly après avoir cassé les doigts d’un homme, ce n’est pas très drôle. Mais pas au nom d’une quelconque affaire de morale, ce serait accorder trop d’importance à ce projet ; ce n’est pas très drôle car il n’y a rien de plus énervant que quelqu’un qui s’esclaffe à ses propres blagues au milieu d’un silence gênant. Cette séquence, entre tellement d’autres, clignote du sigle « humour noir hyper osé, provocation du bourgeois ». Auquel s’ajoute, bien évidemment, le prétexte de la satire sociale car, bien évidemment, cette violence gratuite est un symptôme de la société israélienne, tiraillée entre un sentiment de persécution et un désir de vengeance historique. D’accord. Mais pourquoi ne pas assumer le côté série B bête et méchant alors que l’on voit bien qu’ils prennent un certain plaisir à filmer ces déchaînements de violence ?
Pour compléter le tout, Keshales et Papushado tombent dans le panneau du twist censé retourner le cerveau du spectateur. Problème : on le devine dans la première moitié du film puisque, oui, le cinéma possède une grammaire, les gars, et quand on l’utilise de façon clichesque, le spectateur qui n’est pas qu’un idiot s’en rend vite compte. Alors le coup de poing final n’est en réalité qu’une pichenette.
Non vraiment, la chose la plus énervante dans Big Bad Wolves n’est pas la violence, ni même l’humour noir, mais la façon dont les réalisateurs jouent aux petits malins. Le film s’adore, ils s’adorent. A quoi servons-nous là-dedans ?
Le cinéma transalpin est jalonné de francs-tireurs forgés tout du long par une intime conviction de la réalité socio-historique de leur pays. Carlo Lizzani est de ceux-là qui se fit un devoir de débusquer l’hydre du fascisme dans nombre de ses films. La cinémathèque lui rend un hommage appuyé du 2 mai au 24 mai. L’occasion de faire découvrir et réhabiliter un cinéaste militant consacré par ses pairs. Focus sur « La chronique des pauvres amants qui lui valut le prix international du Jury à cannes en 1954…