Bang Gang

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Premier long sur les transgressions adolescentes, à la liberté de ton salutaire mais vite rattrapé par son sujet.

« T’inquiète, on est pas une population à risque », dit Alex pour rassurer Laetitia en la rejoignant au lit. Cette réplique résume à elle seule bien des enjeux de Bang Gang, qui raconte l’histoire d’une bande d’adolescents de la classe moyenne de Biarritz, se perdant et s’oubliant dans des soirées où se mélangent corps, sons et substances. L’intrigue est centrée sur un quatuor, deux filles et deux garçons, et leurs relations amoureuses. Les Bang Gang qui donnent leur nom au film sont ainsi des fêtes organisées dans la maison d’un d’entre eux, Alex, qui vit seul en l’absence de ses parents, et où tous les interdits semblent ignorés.
En filmant cet âge insouciant, impossible de ne pas évoquer l’abandon du contrôle et la recherche de limites, physiques et mentales, jusqu’au flirt avec la mort. Le film, inspiré d’un fait divers réel, se démarque ainsi par la crudité de ses dialogues, de ses scènes de sexe, par la volonté de montrer sans filtre l’amour adolescent et les violences de cet âge. Mais en traitant ces questions Eva Husson – dont il s’agit du premier long métrage – échoue à trouver des réponses séduisantes, et son récit se perd dans une morale ambiguë

On peut certes se réjouir de trouver dans un film français une telle liberté de ton, et le traitement d’un thème délicat comme les transgressions adolescentes. Cette liberté de ton est bien servie par le jeu de certains acteurs, qui expriment avec exubérance ou sensibilité les névroses de leurs personnages, comme Nikita et George, respectivement meilleur ami et copine d’Alex.
Par ailleurs la réalisation, sans être particulièrement inspirée, trouve son souffle dans la mise en scène des fameuses soirées. La première partie est dominée par une mise en scène plus conventionnelle, permettant de planter le décor sans grand charme de cette zone pavillonnaire, avant que les « Bang Gang » ne prennent leur essor et deviennent le sujet quasi-exclusif du récit. Dès lors, dans des scènes collectives charnelles et mises en lumière avec subtilité, la caméra se libère, le cadre souligne les contacts ou les distances, et les corps sont souvent montrés en plans serrés, qui ne sont pas sans rappeler ceux des sextapes filmées par les protagonistes eux-mêmes. Le tout baigne dans une bande originale assez réussie signée par White Sea, mais qui ne surprend guère après les diverses collaborations de Para One et Céline Sciamma, plus audacieuses.

 

Néanmoins, ces élans de liberté que l’on trouve dans le jeu et – plus rarement – dans l’image, ne parviennent pas à faire oublier le manque d’audace et de profondeur du scénario de Bang Gang. En effet le sujet n’est pas nouveau, et le film souffre de la comparaison avec ses prédécesseurs. Kids (1995), de Larry Clark (ou même plus récemment The Smell of Us (2015)) ou Skins, (la série de Jamie Brittain et Bryan Elsley) ont chacun exploré ces thèmes, le premier avec plus de réalisme et de force, le second avec plus de profondeur et d’originalité.
Les dialogues sont la grande faiblesse du film : leur manque de crédibilité rend certaines répliques gênantes, d’autant que les personnages, censés porter le récit, manquent de profondeur. Seul Gabriel, qui cherche dans la musique une échappatoire au handicap de son père, trouve une consistance. Les autres n’ont ni passé, ni entourage, ni psychologie. Impossible dès lors de faire évoluer la narration, le film avance sans progresser, manque de rythme, ne dit pas grand chose, si bien qu’il est difficile de s’attacher à cette bande. Peut-être cela s’explique-t-il par le point de vue et le discours qu’Eva Husson adopte pour traiter ce sujet.

En effet, et c’est d’autant plus regrettable pour une œuvre prétendant s’intéresser à la transgression, le propos de Bang Gang est confus, et sa morale finale plus qu’ambiguë. Alors que l’on aimerait voir un film célébrant la liberté, le refus des valeurs dominantes et de l’autorité, montrant les fragilités de l’adolescence, la conclusion se fait moralisatrice. Rien ne semble très grave car les parents et les institutions reprennent le contrôle, et ce qui aurait pu être une contestation des normes est présentée comme une parenthèse menaçante, heureusement réabsorbée par l’ordre social. La classe moyenne de la côte basque n’est pas une « population à risque », ou si peu, et la morale est sauve. Ainsi, les quelques bonnes idées observées dans Bang Gang ne suffisent pas à le sauver, et l’ensemble laisse l’impression désagréable d’acter la récupération (et l’enterrement) d’une culture libertaire par un film édifiant.

Titre original : Bang Gang (une histoire d'amour moderne)

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Durée : 108 mn


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