L’histoire du film est rocambolesque, Baby Boy Frankie (The Blast of silence) a bien failli ne jamais voir le jour : tourné quasiment clandestinement sans autorisation, avec un budget dérisoire, voici un film miracle et un miracle de film, réussite totale pourtant aujourd’hui peu connue.
Tout commence par une scène de caméra embarquée à bord d’un train qui file à toute vitesse. Deuxième plan, le train s’arrête. Frankie Bono, tueur à gages professionnel, en sort et pose ses pieds sur le quai. Une voix off nous explique le fin mot de l’histoire. Débute alors un long périple assassin, début d’une cavale sans issue…
A l’évidence, on sent le goût d’Allen Baron, dont c’est alors le premier long métrage, pour les films de gangsters des années 30 ou 40. Noir et blanc poussiéreux, images granuleuses, sobriété de la mise en scène. A partir d’une construction simple, le cinéaste parvient avec une maîtrise évidente à transformer peu à peu son œuvre en un récit plus complexe qu’il n’y paraît.
Voix off traçant le chemin rédempteur d’un personnage qui semble bien seul. En fait, Baby boy Frankie dresse le portrait d’un assassin qui le devient un peu malgré lui. Tuer pour l’argent, tuer pour répondre à une « offre », tuer sans savoir pourquoi. Tâche ingrate, celle des hommes solitaires et finalement faibles.
La faiblesse. Accompagnant la perte de lucidité d’un anti-héros déchu, on la sent de manière quasi permanente, sous-jacente à tous les moments forts du film. Comme en témoigne cette scène dans laquelle Frankie Bono cède au désir, attisé par une ancienne amie : il se retrouve dans son appartement et, perdant toute notion d’éthique, laisse libre cours aux pulsions les plus sauvages. Volonté et raison sont trop faibles, réprimées par la résurgence d’instincts primaires contenus jusque là à l’état de refoulement. Cette idée de sentiments refoulés apparaît d’ailleurs assez régulièrement dans le film. Les personnages semblent soumis à des mécanismes qu’ils maîtrisent mal, ne parvenant pas à contrôler ou réguler leur comportement.
Bono est ainsi : un tueur solitaire aux sentiments refoulés. Comme s’il n’avait pas fait l’amour depuis des décennies, il obéit à l’appel de son désir sexuel sans jamais réfléchir aux conséquences de ses actes. Prêt à perdre l’amitié au profit d’un instant de plaisir, sabordé par un mécanisme purement animal et instinctif. Constamment, au long de son périple, se dressent face à lui pléthore d’obstacles du quotidien, comme un rappel à la normalité. Mais Bono n’écoute pas, n’écoute rien. Obstiné, obsédé par l’argent, par le sexe, par la non conformité peut-être, il sombre progressivement dans une folie destructrice, lente descente aux enfers qu’il ne contrôle pas.
Baby Boy Frankie est un film fascinant qui a marqué les vrais débuts du cinéma indépendant américain. S’inscrivant dans un genre à part, il fait partie de ces « petits » films qui, par leur simplicité, leur sobriété, leur grain si particulier, leur intensité, frappent aux portes de la Légende.