Arrêtez-moi

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Nord-Pas-de-Calais, un huis clos entre une policière et une femme battue. Malgré un duo sympathique, le film est prisonnier de bons sentiments et de clichés.

D’un côté Miou-Miou, de l’autre Sophie Marceau. Ce qui les sépare et qui va finalement les réunir, c’est un homme : un bourreau, un mari. Agressif, il rentre le soir pour taper sa femme. Elle, des premiers coups au dernier, y pense, y repense, manipulée par son fils qui ne cesse de placer des portraits de son père dans sa chambre, dans son imaginaire. Pour se soulager de cette obsession morbide, elle, la femme battue, décide le jour de la mort de son mari, d’aller se dénoncer au commissariat, à la dernière minute. Le film commence (enfin).

Arrêtez-moi fait écho à un autre film du réalisateur, La Journée de la jupe (2009), avec l’excellente Isabelle Adjani. Craquage, tension, même « pétage de plombs », Jean-Paul Lilienfeld place devant sa caméra deux autres grandes actrices françaises, Miou-Miou et Sophie Marceau. Deux caractères, deux personnalités bien opposées. L’une est la femme de l’écrivain Jean Teulé, auteur du livre Les Lois de la gravité sur lequel s’appuie Arrêtez-moi, l’autre est celle que les Français adorent depuis La Boum (Claude Pinoteau, 1980) mais qui a rarement été vue depuis dans des rôles premiers et poignants. Face à face, elles s’affrontent le temps d’une soirée, en mots et en gestes, comme dans une pièce de théâtre où il n’y aurait plus de limites entre le Bien et le Mal, le juge et le coupable, la victime et le bourreau.
 
 

 

 © Ricardo Vaz Palma  

Du livre, Jean-Paul Lilienfeld a gardé la trame principale mais y a ajouté toute une série de flashes-back. Les coups, l’acte tragique, la rencontre, le rapport au fils, le tout filmé avec un Canon 5D greffé sur Sophie Marceau pendant le tournage. Huit kilos quand même. Le tout pour rendre le propos réel, brut, plus violent. Le tout dans un HLM, dans le Nord-Pas-de-Calais. Le tout avec un langage parlé, fauté, c’est  « l’anniversaire de la mort à Jimmy », « putain », et cætera. Que la fiction s’approche du réel, que le film s’approche de la télé-réalité, du fait divers, n’est pas le problème. La faille de Arrêtez-moi est de tomber dans le cliché, la facilité. Les intentions sont bonnes, les thématiques aussi, les questions fusent à la fin du film. Mais la forme, la réalisation, l’univers créé par le réalisateur poussent le spectateur a comprendre la supercherie, à rigoler des fautes de français, à rire de Sophie Marceau en pauvre Cosette portant un vieux pull et un jean trop large. Tout cela manque terriblement de crédibilité.

Quand on sait qu’en France, une femme meurt tous les deux jours et demi sous les coups de son compagnon, comment pouvons-nous accepter de voir un film approximatif ? Ils sont nombreux, ces réalisateurs ambitieux de tenter de filmer la violence conjugale, d’implorer les bons sentiments quand la victime devient coupable et est finalement pardonnée malgré son erreur, son « craquage ». Sauf que certains y mettent plus d’émotions, de réel, comme le rôle écrit pour Yolande Moreau dans Où va la nuit (Martin Provost, 2011), parcours terrifiant d’une femme qui tue son mari, rejoint son fils et se retrouve vite rattrapée par la police. Ou encore celui de l’excellent film allemand L’Étrangère (Feo Aladag, 2011), où une femme, obligée de fuir avec son fils les coups de son mari, doit encore affronter ceux d’un entourage qui pense que « la main qui frappe est aussi celle qui apaise ».

Peut-être que ce casting de stars, mis à l’ombre, manque d’éclairages sur la réalité. Peut-être que les dialogues, trop clichés et trop peu fluides, paraissent brutaux pour une thématique aussi sensible que la violence dans le couple. Bien loin de La Journée de la jupe, la soirée derrière les barreaux oublie de parler de violence et s’amuse à faire jouer ses deux actrices à qui gagnera, qui ne gagnera pas.

Titre original : Arrêtez-moi

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Durée : 99 mn


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