7/9 – Il était une fois Clermont…

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A la veille de la soirée de clôture et remise de prix, les réalisateurs commencent à développer une inquiétude et nervosité tout à fait justifiables. Il est ainsi difficile de les approcher, et malheureusement, notre suite d´entretiens se voit ici bloquée. Impossible pour l´instant de vous présenter un extrait d´entretien avec eux, mais nous ne perdons pas espoir pour demain.

Le Court du jour de Lydia

Durant les quatre minutes du film, on observe les mésaventures d’un homme qui recompose un décor en plein milieu d’un vaste entrepôt abandonné, au ryhtme du son de The Hickey Underworld. C’est en fouillant dans un grand tas d’ordures qu’il trouve les éléments nécessaires pour reconstituer une sorte de salon (un tapis, un canapé, un petite table, etc.). Une fois le décor mis en place, il s’attache à l’étape suivante : reconstituer une petite amie, et pourquoi pas, un groupe de copains autour d’un groupe de rock…Peu à peu, il retrouve divers muscles, tripes et peau qu’il recoud et recolle pour en faire des pantins vivants. L’ambiance de fête macabre s’installe, et notre héros a de plus en plus de chances pour conquérir sa belle au bois dormant, jusqu’au moment où il la découvre en train de faire les beaux yeux à un autre des amis empaillés…

La texture de l’image est très intéressante et appropiée. En effet, c’est la lumière qui sublime ce court métrage : paradoxalement douce et froide à la fois, elle est composée d’un éclairage aux néons mélangé avec des lumières chaudes de lampes de salon, sur un décor vide et poussiéreux, où le grand tas d’ordures se remarque du premier coup d’œil. Le processus de reconstitution (du salon et des corps) éveille rapidement notre intérêt, et la chute, prévisible sans doute, ne laisse pourtant pas de nous satisfaire. La musique, déchaînée, est ici une nouvelle fois remarquablement bien interprétée par l’image mise en place.

Le Court du jour d’Amiel

Qu’il est bon parfois de se laisser prendre au jeu de la pure fiction. Toujours à la limite du réel, révélant facilement ses artifices, la comédie quand elle est bien faite, car c’est ce dont nous allons parler aujourd’hui, révèle bien plus que ce que d’autres genres croiraient montrer ou expliquer.

A l’image de ses grands frères roumains, ce film tchèque s’empare de la grande Histoire par la petite porte à la manière d’un Christian Mungiu. Avec une liberté de ton qui leur est propre, on y retrouve tout ce qui fait le succès de cette « nouvelle vague » roumaine : inscription dans le réel, démarche de réappropriation d’un contexte, récit intimiste, un adroit mélange de documentaire et de fiction.

Sous influence américaine, le cinéma de Stepan Altrichter en reprend les codes des années 80 et les réinjectent à sa manière dans l’évocation de cette période transitoire. Entre aspiration libérale et conservatisme, nous vivons les derniers jours d’un communisme rattrapé par le temps à travers les yeux d’un enfant. Habillé tel Mickael J. Fox dans Retour vers le futur, armé de son vélo cross et de sa montre, le petit garçon s’engage dans la révolution tchèque aux côtés de son idole Mickael Knight, personnage incarné par David Hasselhoff dans la série K2000.

Encadré d’images d’archives, le réel sert de prétexte à la fiction tant celle-ci déborde de son cadre : une scène de famille devient un vaudeville avec pour enjeu le contrôle de la télévision entre infos quotidiennes sur les manifestations tchèques d’un côté et K2000 de l’autre ; un chemin de fer miniature appartenant au père se transforme en terrain de course poursuite où Kit déchire symboliquement au passage une couverture d’un album de Dvorak ; et pour terminer, une rue, théâtre de l’affrontement entre force de l’ordre du parti et manifestants, devient l’allégorie de la libération : le petit garçon traverse la foule sur son vélo, le drapeau tchèque que son idole lui a donné à la main, pour délivrer ses parents d’un contrôle d’identité.

Au milieu de tout ça, comme dans toute bonne comédie américaine, on retrouve le grand méchant, le camarade fouineur comme le surnomme le père. Rivé à sa fenêtre, dans la peur de l’autre, subissant le respect des règles comme un dogme, il incarne l’hypocrisie et la peur du changement. Cliché de son époque, son opportunisme n’a d’égal que son engagement politique. Alors que l’ouverture au système libéral suite à la révolution n’a rien changé pour la petite famille, c’est au volant de la voiture de Mickael Knight que l’ancien camarade fait son retour triomphal. C’était sans compter sur la montre du gamin qui sous ses ordres fait démarrer la voiture vers de nouvelles aventures, sous les yeux ébahis de son propriétaire.

Vous l’aurez compris, tout n’est prétexte ici qu’à rejouer, se réapproprier l’histoire avec un grand H en évitant toute idéologie. Rallier l’universel au particulier, le réalisme à la fiction, dans un grand élan humoristique, tel devrait être l’objectif de toute bonne comédie.

Ainsi, à la question "Did Mickael Knight end the cold war ?" (Michael Knight a-t-il mis fin à la guerre froide ?), on a envie de répondre "oui", car ce titre est à l’image du film. Anecdotique et synthétique à la fois, il redonne à chacun sa place de spectateur dans son approche universelle.

Relire ici l’épisode précédent.


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