Zoologie

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Dans « Zoologie » Ivan Tverdovski arrive à marier les chasses aux sorcières de l´Eglise orthodoxe avec les démons venant des purges de l´époque soviétique.

On se méfie toujours du deuxième long métrage d’un réalisateur dont le premier film – Classe à part (2014) – remporte 35 prix internationaux. Mais Zoologie rompt habilement avec nos préjugés et continue de voyager de festival en festival, remportant des prix, y compris le prestigieux Prix spécial du Jury à Karlovy Vary.

Ivan I. Tverdovski, âgé de 28 ans, représente la vague des jeunes réalisateurs russes (comme Valéria Gaï Guermanika ou Natalya Meshchaninova) qui osent aborder des thèmes embarrassants pour la Russie tout en restant dans la veine du réalisme contemporain. Ivan est le fils d’un réalisateur documentariste Ivan Tverdovski et étudiant d’une classe expérimentale (mélangeant l’expérience du cinéma de fiction et du documentaire) de VGIK (Ecole cinématographique de Moscou), faisant ses études dans l’atelier d’Alexeï Ouchitel (La Promenade – 2003, Le Cosmos comme pressentiment – 2005).

 

 

Classe à Part
racontait la vie de lycéens handicapés regroupés ensemble dans une classe spéciale dans une école publique provinciale. L’histoire initialement écrite dans un livre d’Ekaternia Mouracheva, était entièrement refaite par le réalisateur pour pouvoir la porter à l’écran. Le scénario accentue la cruauté de l’adolescence, encore plus complexe quand nous abordons le sujet vu par des personnes en fauteuil roulant pour qui ni la vie sociale, ni les personnes autour ne sont adaptées.

Une anomalie qui bouleverse

Zoologie amplifie le sujet de la cruauté sur la société entière, en plaçant au centre Natacha, une femme vierge, âgée de 55 ans, qui devient l’objet de bizutage. Natacha travaille dans un zoo, où elle s’occupe des commandes pour nourrir les animaux près desquels elle se sent comprise et acceptée. Au début du film, la femme découvre qu’une queue animalière nue et assez laide a poussé dans le bas de son dos au cours d’une nuit. Pour Tverdovski la queue, qui fait bousculer le réalisme filmique vers le fantastique, n’est qu’un symbole de différence qu’on est sensé avoir dans nos opinions politiques, goûts musicaux ou orientations sexuelles. Cette métaphore frappante est aussi pour exprimer que la femme, encore vierge à son âge, peut avoir une deuxième chance pour vivre une nouvelle vie, une nouvelle liberté.
 


Du fantastique pour dire une réalité cruelle

Pourtant, la transformation du personnage, causée par la différence (que Natacha cache évidemment), est si forte que la société s’y oppose brutalement en manifestant pour la norme et la standardisation. Une scène extraordinaire où la grosse directrice du Zoo habillée en tailleur devant tout le personnel également vêtu de la même manière, humilie Natacha, vêtue en jupette un peu courte avec des bottines, en est un exemple. Rien que son nouveau look pose problème, sans parler du reste. Le film exprime la crainte devant la Russie se trouvant à nouveau comme dans une époque médiévale, avec une véritable chasse aux sorcières (la réaction grotesque du réalisateur sur l’exhaussement fanatique du pouvoir de l’Église orthodoxe en Russie), faisant resurgir les démons de l’époque des purges de l’époque soviètique. "Zoologie porte sur l’identification de soi-même dans l’espace qui nous entoure", dit le réalisateur. La Russie contemporaine de jeune Ivan Tverdvovski suffoque dans une réalité où l’on ne peut plus se permettre d’être soi-même et où la population est amenée à refuser sa propre identification sous la pression des événements sociaux et politiques.

Titre original : Zoologiya

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Durée : 87 mn


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