Witness

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Un thriller honnête, dont l´originalité réside dans l´immersion fortuite d´un policier américain au sein d´une communauté Amish.

Jeune veuve Amish vivant en Pennsylvanie, Rachel Lapp (Kelly McGillis) entreprend un voyage en train à Baltimore avec son fils, Samuel. L’aventure commence à la gare de Philadelphie où le petit garçon est témoin d’un meurtre. Auprès de John Book (Harisson Ford), policier chargé de l’affaire, il ne tarde pas à reconnaître le coupable en la personne de l’inspecteur de la brigade des stupéfiants (Dany Glover).

Il est souvent question, dans le cinéma de Peter Weir, de la découverte d’une contrée éloignée géographiquement et culturellement. Pour y accéder, le héros navigue jusqu’au bout du monde (Master and Commander), perce littéralement la coque d’un monde factice asphyxiant (The Truman Show), quitte les États-Unis pour le Honduras, en quête d’une société meilleure (Mosquito Coast). Dans Witness, ce monde étranger, celui de la communauté Amish, est à la porte de John Book : il est niché en plein cœur du territoire américain, en Pennsylvanie. Pour sauver sa peau et celle du petit Samuel, le policier revêche est ainsi amené malgré lui à s’infiltrer dans la communauté traditionnelle dont les mœurs et le mode de vie sont restés les mêmes depuis des siècles.

Plus que la mise en danger d’une famille recherchée par une bande de truands, le sujet central du film est l’orchestration de la rencontre entre cette communauté rurale et la société moderne américaine, ici individualiste, intolérante et violente. Une opposition mise en scène par le recours à différents genres cinématographiques : le film emprunte la voie du polar alors que Rachel et Samuel cheminent vers Baltimore, puis laisse place à une intrigue sentimentale, traitée de manière plus maladroite, quand John Book se cache chez les Amish. Épris de la lenteur du rythme de vie, de la solidarité qui lie les membres de la communauté, Peter Weir ne lésine pas sur les plans contemplatifs montrant des champs scintillants au son des synthés de Maurice Jarre. Magnifiée par des clairs obscurs et une lumière ocre, Rachel, parée d’une ample robe et d’une coiffe, semble sortie d’une peinture flamande. Le désir naissant – et interdit – entre le policier et la jeune femme offre quelques moments de suspension dans le récit : des regards appuyés qui en disent long, une danse esquissée sur une chanson de Sam Cook écoutée à l’autoradio dans une grange de paille.
Si l’irruption de la violence perpétrée par des policiers corrompus signe le retour au thriller, c’est au western que Weir emprunte le plus avec l’évocation des frontières à l’intérieur des États-Unis, la présence d’un héros solitaire armé et de truands violents rendant impossible toute cohabitation pacifique, de cette ligne de chemin de fer reliant les deux mondes. Mais le trajet en train vers l’Ouest que doivent effectuer Rachel et Samuel s’avère si dangereux qu’ils doivent rebrousser chemin.

Projet initialement dévolu à David Cronenberg, Witness évoque fortement A History of Violence, chef-d’œuvre réalisé vingt ans plus tard, dans lequel la vie d’une paisible bourgade américaine est bouleversée par l’intrusion de bandits de cinéma ultra-violents, refoulés de l’Histoire américaine et du cinéma de genre. Viggo Mortensen fait d’ailleurs dans Witness une de ses premières apparitions au cinéma en Amish tout sourire, tout comme Lukas Haas, le petit Samuel Lapp, vu récemment dans Last Days ou Inception. Grand succès à sa sortie, Witness pourrait être résumé par deux plans symétriques : le regard de Samuel surprenant le meurtre, vision qui heurte son innocence, et celui de John Book observant Rachel en train de se laver, regard qu’elle surprend et accepte. Mais ces regards demeurent transgressifs, et gardent effective la séparation de deux mondes qui ne peuvent vraiment se rencontrer.

Titre original : Witness

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Durée : 112 mn


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