White Bird

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<< L´avenir m´ennuie. >>

« A un moment où je ne devenais que corps, que chair. »

A un moment où elle ne devenait que corps, Kat voit sa mère disparaître sans laisser de traces, ni d’explications. Restée seule avec son père, la jeune femme de 17 ans semble plus troublée par le manque de désir de son mec que par l’absence de la disparue.

Retours aux origines pour Gregg Araki après deux incartades comiques, le calamiteux Smiley Face (2007) et le formidable Kaboom (2010). En adaptant le roman Un oiseau blanc dans le blizzard (1999) de Laura Kasischke, le réalisateur sonde des traumatismes personnels qui, en mode mineur, le rapprochent de Mysterious Skin (2004). White Bird ne brille guère par son originalité et sa banalité lorgne avidement vers la série pour adolescent. D’où peut-être le choix de Shailene Woodley pour incarner Kat qui, avant Divergente et Nos étoiles contraires sortis cette année, s’est illustrée dans la mièvre série La Vie secrète d’une ado ordinaire (2008-2013). Araki organise et planifie cet ordinaire pour mieux le pervertir. Aux situations banales et personnages secondaires à peine esquissés (au point ne d’être que clichés sur pattes) répondent d’abord les étranges rêves de Kat. Ruptures esthétiques nettes, ils choquent moins par leur symbolisme – assez joli au demeurant – que par la faiblesse avec laquelle le réalisateur s’en empare. Plus intéressant par contre, tout ce qui a trait à la disparue. Hautaine, statue de cire vivante de la desperate housewife, Eva Green dessine le portrait d’une femme à qui il n’est demandé – voire à qui il est exigé – de n’être que mère et épouse. Supermarché, cuisiner, dîner : tel sera ton credo. Pas étonnant que la machine déraille. Le constat est sans appel pour cette génération de femme : « Elle n’avait rien à planifier que le néant à venir. »

Pourtant plus libre et plus encouragée, c’est la même impasse qui semble guetter Kat : l’ennui adolescent qui se meut en ennui d’une vie. Dès l’adolescence, la vie sentimentale semble condamnée à la médiocrité. Les garçons, elle ne les choisit pas. Comme elle le dit, il n’y a rien sous la surface : « terne et stupide ». Que ce soit le voisin beau gosse mais loser ou un étudiant en médecine, c’est déjà un mari en puissance. Bon ou mauvais selon les critères de l’échelle sociale, fondamentalement, ça ne change pas grand-chose. Seule une incartade hors des sentiers battus, mais clairement sans issue, apportera un peu d’épanouissement sexuel que le compagnon régulier est incapable d’apporter. Et pour cause…

 

White Bird s’avère finalement un jeu de dupes où la femme, épouse en puissance, est toujours le dindon de la farce. Et la farce, ça la connaît. Si une large partie du film suit le cours tranquille de la série sans saveur, la fin joue la sortie de route inattendue. Une constante chez Araki et un joli moyen de reculer une résolution évidente mais qui s’avèrerait décevante à arriver trop vite. Un peu de manipulation donc pour un réalisateur qui sait et aime jouer au chat et à la souris avec son spectateur. Le résultat final sera donc identique – au propre ou au figuré, il s’agit toujours d’un crash chez Araki, surtout pour le spectateur – mais on aura eu droit à un dernier tour de piste un peu plus rock ’n’ roll. C’est finalement ce qu’il y a de plus plaisant dans le film qui retrouve alors un peu de la force comique de Kaboom tout autant que la puissance dramatique de Mysterious Skin. Un peu de sel qui vient relever un film dont on ne garde finalement en mémoire que le minois étrangement enfantin de Shailene Woodley.
 

Titre original : White Bird in a Blizzard

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Durée : 91 mn


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