When Evil Lurks

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Au-delà de l’ habile mixture de ses influences notables, cette version Argentine de la propagation du Mal trouve des racines singulières.

Il faut peu de temps aux deux frères, Pedro et Ruiz, pour comprendre que l’individu déchiqueté qu’ils viennent de découvrir sur leurs terres est un exorciste venu combattre le Mal qui a pris possession d’un de leurs voisins. Face à l’incurie de la police, ils décident de se débarrasser du corps  de ce dernier, en le balançant le plus loin possible de toute habitation. Mais ces « bonnes intentions » ne feront que renforcer le Mal.

Evil spread

Comme l’ont magistralement démontré auparavant, The Thing (John Carpenter, 1982) ou la saga Evil Dead initié par Sam Raimi, pour ne citer que ces deux chefs d’œuvre de l’épouvante, lorsque le Mal a pris possession d’un corps ; détruire cette enveloppe de chair et de sang ne fait que générer une transmutation. Pedro et Ruiz vont l’apprendre à leurs dépends mais surtout faire tache d’huile à l’échelle d’une région. Comme c’est souvent le cas, car plus glaçant dans ce sous-genre de l’Horreur qui traite de la démonologie, Demián Rugna préfère se dispenser de présenter le visage originel de la créature, optant pour un hors-champ mystérieux dans les premières manifestations,  pour ensuite lui faire prendre le contrôle de pauvres êtres vivants en sursis. Soucieux d’établir une connivence cinéphilique relativement large,  le réalisateur pioche ses idées dans des représentations qui ont marqué nos esprits en quête  de sensations dérangeantes. Ainsi, dans la partie initiale, construite comme une enquête qui sent la crasse et fait la part belle aux sécrétions organiques,  le corps purulent et boursouflé du premier récipiendaire découvert par les deux frères ressemble à s’y méprendre à celui d’une des victimes de Seven (David Fincher, 1995). La traque de la Bête et l’obstination des deux frères lorgnent du côté des anti-héros qui s’improvisent chasseurs, cher à l’univers de John Carpenter. La découverte d’une présumée secte d’enfants renvoie l’imagerie de son remake du Village des Damnés (1983). Le petit jeu des références peut nous conduire par ailleurs vers Cujo (Lewis Teague, 1998), pour la séquence du chien sans pitié pour son entourage. Beaucoup moins heureux, car trop souvent invoqu par les multiples chasses aux Esprits que peuvent être les franchises Insidious, Conjuring, le recours à une personne douée pour le paranormal pour exorciser le Mal. De plus, Rugna qui ne semble pas vraiment croire à l’efficacité de telles mises en scène -y compris la sienne- s’ y attarde trop longuement.

Malaises et mal-être profonds

La terreur promise par la bande annonce et autres effets d’annonce ne viendra pas faire sursauter les aficionados du genre. D’ailleurs la mise en scène préfère limiter le recours aux différents ressorts -Jumps Scare, musique tonitruante…- censés nous faire bondir de notre fauteuil. Par contre les atmosphères, diurnes, pourtant très ensoleillées, et nocturnes -rendues plus glauques par l’obligation d’éviter les lampes sous peine de renforcer le Mal,, suscitent un malaise permanent. La campagne Argentine, de par sa sécheresse et son immensité se présente comme un no man’s land sans horizon. La banlieue pavillonnaire où résident l’ex-femme de Pedro et leurs enfants, n’est pas beaucoup plus humaine. En arrière-plan, se dessine en quelques traits bien tracés, un portrait social d’une région reculée où l’état ne se soucie guère du bien-être de ses concitoyens. Indépendamment de l’entité maléfique qu’ils propagent involontairement ; violents, nihilistes, Pedro et Ruiz contaminent et menacent leur entourage par leur seule présence : la psyché des deux hommes, leur cadre de vie, l’interdiction judiciaire qui pèse sur Pedro. L’épaisseur psychologique des personnages qui auraient leur place dans l’univers sombre et naturaliste de Rodrigo Sorogoyen (As Bestas, 2022), n’est pas la moins glaçante des terreurs qui nous sont présentées ici.

Prix du Public et de la Critique,au Festival de Gérardmer 2024

Titre original : Cuando acecha la maldad

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Durée : 109 mn


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