Wendy

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Une réinterprétation du mythe de Peter Pan pas vraiment convaincante et assez convenue par les temps (ennuyeux) qui courent.

Les méfaits de la cancel culture

Après trois courts-métrages et un long-métrage assez remarqué, et même envisagé pour les Oscars, Les bêtes du Sud sauvage en 2012, Benh Zeitlin revient à la charge avec cette réinterprétation du mythe de Peter Pan. On a souvent qualifié Michaël Jackson de Peter Pan, certains hardis psychanalystes ont donné le nom de complexe de Peter Pan à une névrose désignant ceux qui ne veulent pas vieillir, et on a presque tous lu la littérature soixante-huitarde qui, sous la plume de certains beatniks américains, conseillait aux jeunes de ne jamais vieillir : « Ne grandissez pas, grandir c’est oublier ses rêves ». La gentille woke culture vient de lui consacrer un film où tout est chamboulé : Peter Pan est un mignon enfant noir à la coiffure structurée, et Wendy Darling part rejoindre son frère au pays des rêves parce qu’elle s’ennuie dans la cafétéria de sa maman. Mais foin des étoiles filantes, des tapis volants et des fées clochette, on prend simplement un train fantôme qui conduit nulle part et le conte de fées qu’on regardait avec des yeux émerveillés, mis en scène et en dessins par Walt Disney, devient un petit pensum assez ennuyeux même si les paysages de la vaste Amérique sont souvent époustouflants. Comme quoi faire du cinéma, c’est avant tout un art, du moins un savoir-faire, et il est difficile de s’attaquer aux mythes. Pourtant on pensait que Peter Pan avait la vie dure et, il faut quand même le reconnaître, le début du film se laisse voir. La caméra est bien maîtrisée, la direction de la photo de Sturla Brandth Grøvlen s’impose assez bien dans le mouvement même du film et le casting notamment des enfants est étonnant. Malheureusement, après trois quarts d’heure, le film se perd dans une pseudo démonstration sociologique des méfaits de la vieillesse qui ne s’impose pas. Les contes, les légendes et les mythes ne supportent pas facilement les adaptations et les interprétations sauf si elles sont géniales comme celles de Bruno Bettelheim.

Le pays imaginaire est devenu un enfer

Sur un scénario co-écrit avec sa sœur Eliza Zeitlin, à partir du texte original de J. M. Barrie, écrivain écossais qui a quand même créé le personnage de Peter Pan, le film s’emploie finalement à tenter de revenir aux sources de la légende pour l’interpréter et, au passage, la recréer. Cependant, les beaux projets ne font pas les meilleurs films, parce que l’enfer est, dit-on, pavé de bonnes intentions. Les premiers mots de la note d’intention dans le dossier de presse du film donnent le la selon le réalisateur : « Quand on était enfants, à chacun de nos anniversaires, on espérait, ma sœur Eliza et moi, qu’on ne grandirait jamais tandis qu’on soufflait nos bougies. Nous étions terrorisés par la perspective de vieillir, et on voulait absolument savoir quel genre de deuil transforme les enfants en adultes avant qu’il ne soit trop tard – et notre espoir de rester jeunes s’est envolé à jamais. » Voici un beau sujet, mais assez casse-gueule. Il est encore de par le monde des enfants qui doivent s’endormir avec la fée clochette et le capitaine Crochet imaginés par Walt Disney. Qui encore, quelque quarante ans plus tard après ce film Wendy, rêvera encore avec les personnages revus et corrigés par Benh Zeitlin même s’il tente de nous donner au passage une leçon de sociologie car, on l’aura compris, Wendy raconte l’histoire d’un anti Peter Pan où l’on prend bien soin de faire de Wendy, non plus une tranquille écolière petite-bourgeoise qui s’envole bien malgré au pays des rêves d’enfant, mais une battante, une exécutive woman. « Pour notre réinterprétation du récit, déclare le réalisateur, il nous fallait une Wendy qui nous permette d’oublier toutes les autres – une Wendy forte, insoumise, courageuse, extrêmement mûre et totalement fidèle à ses convictions. Elle devait surmonter les obstacles avec amour et douceur, qui constituaient une force pour affronter les périls du Pays Imaginaire, et non une faiblesse l’obligeant à se tenir à distance de cette terre inconnue. » Mais que gagne le conte après une telle transformation, sinon encore un peu plus d’ennui comme tout ce que nous imposent la cancel culture et le dogmatisme ? Du coup, le film ne s’adresse plus tellement aux enfants, mais intéressera-t-il pour autant les adultes avec ses références explicites à Robinson Crusoé et à Sa Majesté des Mouches ?

Titre original : Wendy

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Durée : 112 mn


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