Very Bad Trip 3

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Enfin débarrassés ! (On l´espère)

On n’est pas dupe. On sait très bien que la suite d’un blockbuster en a surtout après notre porte-monnaie, qu’il s’agit avant tout de capitaliser sur ce qui a plu dans le 1 et d’en faire encore plus dans le 2 avant la diarrhée filmique du 3. On peut toutefois un minimum enrober son ambition de tiroir-caisse, histoire que le spectateur ne se sente pas uniquement traité comme une vache à lait. Ce n’était délibérément pas le cas de Very Bad Trip 2 (2011) qui après l’idée somme toute pas inintéressante du 1 (2009) a péniblement dupliqué le modèle. Et comme le spectateur semble de toute façon ne pas en demander plus, pourquoi se casser la tête en effet. Alors autant recommencer une troisième fois.

Sauf que les deux premiers ont un peu épuisé les possibilités du protocole initial : un enterrement de vie de garçon qui dérape sévère et la nécessité de renouer les fils de la nuit afin de retrouver le futur marié, témoin, abruti du coin (rayez la mention inutile, plusieurs choix sont possibles). Le seul personnage à marier étant célibataire, un bon tiers de Very Bad Trip 3 déploie donc de poussives circonvolutions scénaristiques pour justifier l’existence de ce dernier opus. Et c’est laborieux. On nous ressort de derrière les fagots deux ou trois détails qu’on n’avait pas vu passer dans le 1 et le 2 pour lâcher une brillante histoire qui sera la somme de tout. Plutôt que le « on n’avait rien vu venir » espéré par le film, on pense plutôt « quand il y en a pour deux, il y en a pour trois ». Walker Texas Ranger n’a qu’à bien se tenir.

Que Very Bad Trip 3 manque à ce point d’idées qu’il pompe grandement sur les succès récents – Mission : impossible – Protocole fantôme (Brad Bird, 2011) en tête à qui il « emprunte » sa scène d’ouverture et son morceau de bravoure, au moins Todd Phillips a bon goût – sans même prendre la peine d’en faire des parodies volontaires, qui légitimeraient alors la citation, passe encore. Mais la paresse généralisée de l’ensemble n’est même plus dissimulée. Le film semble tellement confiant dans ses – maigres – effets qu’il ne prend même plus la peine de les soigner. Résultat : Todd Phillips rate donc les quelques rares perles qui lui sont servies sur un plateau par son scénario – fait d’autant plus surprenant qu’il est tout de même co-scénariste du film. Plus encore que les autres, Very Bad Trip 3 se concentre sur l’immaturité d’Alan (Zach Galifianakis), les autres personnages n’étant que des faire-valoir s’agitant mollement, mais bruyamment, derrière. Largement dévoilé par sa bande annonce, le début du film aligne les bonnes trouvailles : l’idée tellement grotesque qu’elle frise le génie (plus encore que dans le reste de la saga), le choix musical au cordeau, l’évidence même de la chute… Mais le tout plombé par l’absence de croyance réelle dans le projet de l’ensemble de ses participants qui manifestement ne se soucient même plus de ce qu’ils vont donner à voir. De séquence en séquence, c’est le même schéma qui se reproduit.

 

 

Annoncé comme le point final de la série, ce baroud d’honneur où chacun vient faire la roue avant de tirer la révérence a beau retourner aux origines du mal, on peine pourtant à reconnaître ce qui avait pu séduire dans Very Bad Trip. Si vous voulez vraiment rire, allez voir autre chose. Si vous voulez mater Bradley Cooper, regardez la dernière pub Häagen-Dazs. Si vraiment vous souhaitez remplir les poches de ce beau petit monde, envoyez-leur l’argent directement, Very Bad Trip 3 l’affirme haut et fort : il n’est fait que pour ça. 

Titre original : The Hangover Part III

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Durée : 100 mn


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