Vanishing Waves

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Avec un pitch à faire fantasmer tout fan de « medical » et « hard science-fiction », la lituanienne Kristina Buozyte sert un insupportable pensum arty.

L’exaspération qui saisit à la vision de Vanishing Waves, second long de Kristina Buozyte, est à la mesure de l’intérêt de son sujet. Membre d’une équipe de chercheurs à l’hôpital, Lukas participe à une expérience d’avant-garde : entrer en communication avec une femme dans un long coma. Le crâne bardé d’électrodes et plongé dans un étrange bain dans une chambre étanche, le scientifique pénètre l’esprit de la malade et y rencontre une jeune femme dont il s’éprend peu à peu faisant fi du protocole médical.

L’attrait de Vanishing Waves, et Kristina Buozyte ne s’y trompe pas, c’est de donner corps aux visions perçues dans le coma. Logiquement, au rationalisme scientifique – encore que le design empreint de modernisme de la chambre étanche confère déjà aux lieux une aura symbolique – s’oppose l’onirisme des voyages dans l’esprit de la malade. De graphiques et rhizomiques lors des premiers contacts, les visions se font plus concrètes jusqu’à un hyperréalisme ultra-pictural mêlant la rigueur des compositions à des images surréelles à la Dalí. Visuellement, le film est splendide, faisant de chaque voyage un tableau quasi autonome au travail sur la lumière étonnant. Mais la réalisatrice n’exploite que peu la beauté de ses plans. Elle se concentre plutôt sur le symbolisme des événements qui surgissent lors des sessions d’exploration. Elle s’appuie sur l’absence de logique rationnelle et de cohérence apparente propre aux rêves pour développer un onirisme aussi surfait que pénible. A aucun moment, celui-ci ne vient réellement rencontrer les enjeux mêmes du film. On sent bien l’effet d’addiction qui s’empare de Lukas avec ses voyages dans lesquels il compense ses frustrations personnelles. Mais cela ne s’incarne à l’écran que dans des séquences clinquantes qui, à défaut d’être connectées à une ligne narrative véritablement pensée et structurée, sonnent creux, leur éventuelle beauté sombrant même parfois dans le ridicule (chacune des séquences sexuelles).

Si la réalisatrice cite volontiers Antonioni, l’influence de David Lynch – Lost Highway notamment – est palpable. Kristina Buozyte semble malheureusement oublier que le mystère et la fascination exercés par les films de l’Américain ne sont en rien le fruit du hasard ou de la seule qualité plastique des images, mais, en amont, d’un réel travail de structure et de composition – quand bien même la ligne narrative sous-jacente est assez simple chez Lynch. La masse des bonnes volontés (ajoutons au travail du chef opérateur, la musique de Peter von Poehl) n’y suffit pas. Sans cela, ne restent que les visions gratuites d’un film arty et pédant qui divorce totalement de son spectateur.
 

Titre original : Aurora

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Durée : 105 mn


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