À la mort de Narcisse tout le monde pleurait, même le lac. On lui dit : c’est normal que tu sois celui qui pleure le plus car quand il se penchait sur toi tu étais celui qui pouvait le mieux admirer sa beauté.
Tom perd peu à peu la vue et considérant le périple qu’entreprennent ses amis, rien dans la médecine moderne ne semble pouvoir faire quelque chose pour lui. C’est pourquoi Pierre, William, Léo et Charlie sont prêts à s’enfoncer dans la forêt amazonienne à la recherche d’un mystérieux guérisseur capable de rendre la vue à qui la perd. Problème ? L’enfer est pavé de bonnes intentions. Entre les promesses faites à l’abri dans leur confort et la réalité d’un milieu hostile, chacun va devoir faire avec ses propres instincts et les conséquences de ces derniers. Étienne Faure revient après plus de cinq ans d’absence avec Un monde ailleurs, un long métrage tourné avec peu de moyens dans la forêt amazonienne et qui dénonce la fracture entre les pays du Nord et ceux du Sud, le tout dans un huis clos à l’ambiance aussi étrange qu’angoissante.
Pourquoi ? Il était beau ?
C’est caméra à l’épaule que l’on embarque pour suivre les cinq garçons, et, tout comme eux, nous sommes lâchés en plein milieu d’un territoire où, visiblement, nous ne sommes pas les bienvenus et ce, sans la moindre véritable préparation. Ici aucun carton pour vous compter la genèse d’une amitié et les motivations de ce voyage, on vous balance abruptement dans la réalité d’inconnus et c’est à vous de reconstituer les pièces du puzzle. C’est là la force première du film, il vous donne envie de comprendre, de tirer au clair ce bazar d’images et de bribes de phrases. Pourquoi Charlie et Pierre ont une relation amicale tendue ? Pourquoi Léo est le poisseux du groupe ? Qu’est-il arrivé aux yeux de Tom ? Tout se mêle, s’entremêle et parfois malheureusement s’emmêle, certains passages manquent de clarté et créent un flou qu’il est difficile d’ignorer. On nous lance par exemple bon nombre d’intrigues relationnelles sans jamais les creuser réellement, et si ce mystère nous donne certes la possibilité de comprendre ce qu’on en veut, le tout s’avère à la longue quelque peu frustrant.
Bien sûr et tu le savais mieux que personne.
Trois filles. De l’autre côté de la rive des garçons, il y a trois filles que l’on distingue à peine. Pourquoi sont-elles ici ? Que font-elles ? Ce sont des questions auxquelles on ne vous donne pas de réponse non plus. Au final jamais la caméra ne s’intéresse à ce qui se passe chez elles, on suit uniquement les cinq amis et ce que l’on sait de « l’autre côté » ne tient qu’à leurs regards, leurs suppositions et leurs fantasmes. Rapidement l’intérêt de l’expédition ne sera plus tant l’amitié que la curiosité maladive qui ronge les garçons. Tout comme on essaye de les comprendre, ils essaient de comprendre ces filles dont ils ne savent rien. Avec le recul, le film aurait presque des airs de found footage entre la subjectivité de la caméra et le fait de couvrir un sujet unique. C’est la voix, rajoutée a posteriori, qui transforme l’image. Tout au long du métrage on écoute ainsi les confessions d’un des garçons — dont nous tairons le nom par souci de discrétion envers le film ; ses motivations, ses angoisses, son regard en arrière sur leur aventure. C’est là la seconde force du film : cette voix dont les mots balayent absolument tout.
Non. Je ne savais pas. Moi je pleure car je voyais dans ses yeux le reflet de ma beauté.
Pour être honnête il n’y a pas grand chose à dire de plus sur Un monde ailleurs. C’est un film qui défend des idées, à sa façon plutôt originale, il met le doigt sur la différence entre les pays pauvres et les pays riches. Mais c’est aussi un film à tiroirs dans lequel on peut choisir l’histoire ou les histoires qui nous intéressent : la relation entre Tom et Pierre, les limites de l’amitié ou encore la critique ouverte sur la relation entre pays du Nord et du Sud. On peut ainsi se construire une film rien qu’à nous. Ce que l’on retient du film c’est surtout son originalité, à la fois son plus grand atout et les limites à ce qu’il propose. Le format finit à certains moments par perdre le propos et c’est bien là notre plus grand regret.