Un chic type

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Stellan Skarsgard porte sur ses larges épaules cette agréable comédie scandinave, un brin nonchalante. Au programme, humour noir et personnages décalés certes, mais aussi un manque de souffle et un classicisme formel qui empêchent le film d’être réellement mémorable.

Difficile de ne pas ressentir de la compassion, voire de l’affection, pour ce chic type qui aspire juste à prendre un nouveau départ et à une forme de tranquillité, après un long séjour en prison pour meurtre. Sans qu’on sache d’ailleurs qui il a tué et pourquoi, et ce pendant une bonne partie du film. Mais à vrai dire, cela n’a pas tellement d’importance, tant la bonhomie du personnage rassure immédiatement. Ce type, c’est Ulrik, un ancien malfrat et homme à tout faire pour le compte d’un caïd local, et ces douze années passées derrière les barreaux lui ont façonné un caractère discret, distant, presque hors du monde. Il quitte cette routine, quasiment à regret (la première scène s’arrête sur sa sortie de prison où on le voit mal à l’aise, déjà déphasé), pour retrouver un autre train-train quotidien, rassurant, salvateur même. Celui qui interprète à merveille ce personnage conciliant, prêt à tout pour ne froisser personne, c’est Stellan Skarsgard, une véritable gueule de cinéma s’il en est. Habitué de Lars Von Trier (Breaking the Waves, Dancer in the Dark, Dogville), il revient vers sa région d’origine après un long passage à Hollywood, honoré de nombreux seconds rôles (Will Hunting, Amistad, Pirates des Caraïbes, et Anges et Démons entre autres). Pour sa troisième collaboration avec le réalisateur norvégien Hans Petter Moland, l’acteur d’origine suédoise brille par son jeu tout en sobriété et en retenue. Comme si elle était trop lourde à trimbaler, il balade sa grande carcasse dégingandée d’une scène à l’autre, non sans rappeler au passage l’immense Tim Robbins.

Cette apparente tranquillité dans la vie d’Ulrik va vite être troublée par l’irruption plus ou moins prévisible d’une galerie de personnages gentiment croquignolesques aux allures de "beautiful losers". Au premier rang duquel sa logeuse (campée par l’actrice Jorunn Kjellsby, la Yolande Moreau norvégienne en quelque sorte), une femme d’âge mûr acariâtre dont les vêtements se raccourcissent à mesure que le film avance, et qui finit par le poursuivre un peu trop de ses élans fougueux. Ulrik est une bonne pâte, alors il s’exécute docilement. Et puis il y a Jensen son ancien boss, chemise ouverte et chaîne en or qui brille, sorte de mafieux de province à la petite semaine, et son acolyte souffre-douleur bête comme ses pieds, qui veulent absolument l’aider à se venger. Autant de protagonistes qui sont des empêcheurs de tourner en rond pour notre héros, mais qui jouent surtout le rôle de principaux vecteurs comiques au fil de l’histoire. Les scènes d’ébats saugrenus avec la logeuse qui reviennent de manière récurrente, figurent parmi les plus cocasses du film, comme un hommage rendu au "sexe imparfait".

Un chic type emprunte autant à Kaurismäki pour le minimalisme loufoque et les plages de silence, qu’aux frères Coen (Fargo, climat nordique oblige) pour l’humour noir mélancolique et les personnages de losers décalés et attachants. Sans toutefois jamais en atteindre les qualités cinématographiques. La réalisation de Hans Petter Moland reste formellement assez classique. Trop pour pouvoir adhérer totalement à la démarche filmique du cinéaste, serait-on tenté de dire. On notera tout de même une photographie aux tons gris et froids qui s’accorde bien avec le ciel norvégien. La mise en scène joue avec les contrastes, entre la lumière blafarde de l’extérieur et l’obscurité de la chambre chez la logeuse. Confrontation de deux mondes qui rappellent le passé d’Ulrik et l’espoir d’un avenir serein.

L’ensemble manque malheureusement de relief, de souffle, de ce grain de folie qui aurait raflé la mise à coup sûr. Tant et si bien qu’on a cette sensation frustrante de rester à la surface des choses, d’être amusé souvent, attendri parfois. Mais jamais vraiment passionné par l’enjeu central du film a priori, à savoir la réinsertion réussie ou non de ce personnage. Il trouve peut-être aussi ses limites dans cette manière de traiter par le biais de la comédie l’incapacité (toute scandinave ?) à extérioriser et montrer ses sentiments. La relation d’Ulrik avec son fils en est d’ailleurs le parfait exemple. On aurait pourtant envie d’aimer un peu plus ce chic type. Dommage…

 
 

Titre original : En Ganske Snill Mann

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Durée : 107 mn


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