Twelve

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Adaptation d´un roman à succès agrémentée d´un it-boy (Chace Crawford) et d´une star (Curtis 50 Cent Jackson), le tout mis en forme par un réalisateur rarement inspiré, et hop… Ben oui, ça rate.

Joel Schumacher est un réalisateur à la mode. Non pardon : Joel Schumacher est un réalisateur qui sait surfer sur les modes. Bons ou mauvais, ses films s’en ressentent considérablement : thriller fantastico-scientifique au début des années 1990 (L’Expérience interdite), récupération et ratage de série à succès (Batman Forever, Batman & Robin) ou de projets avortés (Phone Game d’après Alfred Hitchcock), biopic sur et avec star à succès (8mm)… L’un de ses derniers films, le pathétique Le Nombre 23 avec Jim Carrey, jouait sur la fascination bon marché pour la cryptographie et le mysticisme dans la veine des romans de Dan Brown et des histoires paranoïaques d’Harlan Coben. Chacun des films du réalisateur peut ainsi être vu comme la prise de température d’une époque. Ils sont en soi parfaitement contemporains et s’interdisent toute possibilité d’universalisation. Chez Schumacher, la date de péremption est toujours très proche.
 
Twelve, le petit dernier, n’y échappe pas. Ce qui est à la mode aujourd’hui donc, ce sont les atermoiements d’une jeunesse dorée désenchantée, tout est K.O. à côté, sorte de littérarisation de la presse à scandale : des romans de Lolita Pille en France (dont Hell avait été adapté au cinéma par Bruno Chiche en 2006) à la grosse artillerie de Gossip Girl (romans et série) aux Etats-Unis ou Nick Mc Donnel dont Twelve est l’adaptation du premier roman écrit à 17 ans. Au menu : un festival de jeunes argentés et paumés (la star du bahut blonde, sa copine brune, le coincé, le musculeux, l’oie blanche, le prince légèrement bad boy, le dealer noir très méchant…), un peu de violence, un peu de cul, beaucoup de clichés et de musique hype, quelques stars (Curtis 50 Cent Jackson, Chace Crawford). L’arrivée d’une nouvelle drogue, le « twelve », va mettre le feu aux poudres de ce microcosme juvénile et révéler les failles de chacun. Le gentil et beau dealer parviendra-t-il à se ranger ?
S’entourant du beau gosse de Gossip Girl, censé trouver un rôle en parfait contrepied (mais rassurez-vous quasi identique à celui de la série), Joel Schumacher en duplique aussi sans vergogne l’univers. Le fait qu’il y ait des similitudes thématiques l’obligeait-il à décalquer, de travers en plus, le style de la série ? Twelve donne l’impression d’assister à un épisode low-fi de GG. Pas que la série soit grandiose non plus, mais elle affiche tout de même une surbrillance affirmée : couleurs, lumières, costumes, acteurs… tout y étincelle. A contrario, tout est pâteux et grisâtre dans Twelve, dans une volonté de contamination du fonds sur la forme. Si l’on concède volontiers à Schumacher une sincérité de l’approche et des intentions, on ne peut que constater la platitude, voire l’absence de sa mise en scène. L’important étant pour lui de marteler le message : la drogue, c’est mal.
 
Entre séquences stroboscopiques sur les effets du twelve et flashbacks psychologisants à la symbolique lourdingue, le réalisateur rate complètement la caractérisation de ses personnages. Twelve montre à quel point l’influence des séries peut être néfaste sur le cinéma dans son application la plus basique. L’une des qualités de Gossip Girl est de ne pas chercher à tout pris à sauver ses personnages, de leur offrir une présentation brute, sans enjolivements et de parvenir au fil des épisodes à les définir, les affiner par petites touches de manière à ce que leur portrait se complexifie naturellement, que le personnage prenne de l’ampleur et devienne moins unilatéral. Mais un film n’a pas la durée étendue d’une série, ce que Schumacher semble n’avoir absolument pas pris en compte. Il tente donc en un peu plus de quatre-vingt dix minutes ce qu’une série met au bas mot deux saisons à construire et balance pêle-mêle protagonistes, jugement de leurs agissements et tempérance par des profils psychologiques bâclés.
Au final, dans un massacre à la Colombine croquignolant, la reine de la soirée s’effondre comme un cochon et le gentil dealer pourra enfin verser quelques larmes. Car si on ne pleure pas la mort d’un dealer, le dealer lui a du cœur. Une heure trente-cinq, c’est ce qu’il faut pour la rédemption du beau gosse du coin. Par contre pour le bon film, on repassera.

Titre original : Twelve

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Durée : 94 mn


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