Malheureusement, son petit dernier entre de plain-pied dans la seconde catégorie, qui contient la plupart de ses films. Malheureusement car Trance – malgré une inspiration limitée et à deux doigts du plagiat : une scène entièrement défalquée de Ocean’s Eleven (2001) de Soderbergh et un ensemble qui lorgne trop avidement sur le triturage de méninges poseur et creux d’un Nolan, Inception (2010) en tête – a quelque chose de prometteur dans nombre de séquences. Il faut dire que l’hurluberlu s’y connaît quand il s’agit de composer un plan et qu’ici dans l’analogie avec la peinture, il s’en donne à cœur joie. La scène de braquage à la sauce pop du début est rondement menée, évitant une trop grande nervosité et le montage épileptique cher à son auteur. Commissaire-priseur en mal de liquidités, Simon (James McAvoy) profite des opportunités de son job pour s’acoquiner avec des malfrats menés par, ô surprise on s’y attend pas du tout, Vincent Cassel, pour dérober un tableau. Une mauvaise torgnole et c’est le blackout. Direction chez l’hypnotiseur en tailleur chic (Rosario Dawson) pour retrouver la mémoire.
On le voit bien vite, l’histoire n’a ici qu’un intérêt tout relatif et n’apparaît que comme un McGuffin instaurant un jeu tout sauf savant entre les différents niveaux d’images : réalité, hypnose et flashes-back. Cela permet au réalisateur d’exploiter quelques belles idées de mise en scène (notamment le balayage horizontal de l’image pour passer du présent aux visions sous hypnose) qu’il s’empresse de ruiner soit par des choix incohérents (le même procédé de balayage est utilisé aussi pour les flashes-back et ça ne fonctionne alors plus du tout) et des raccourcis scénaristiques parfois très grossiers où Boyle se tire une balle dans le pied en se privant d’effets comiques pourtant tout acquis à sa cause. S’ajoute à cela les risques inhérents au récit à tiroirs : la difficulté de relier les fils et d’offrir une sortie de course acceptable. Et là, Trance superpose les couches à n’en plus finir, se prend les pieds dans ses bifurcations successives pour lesquelles il cherche des justifications inutiles. Le film se noie dans des effets à la valeur explicative nulle et de plus en plus lourdingues jusqu’à un grand final ahurissant tellement il s’avère mal mené. Symptomatique est le rapport du réalisateur à la musique, omniprésente dans ses films. Oscillant entre fashion et ambiance de cathédrale dans son emphase, Boyle la voudrait hypnotique, elle n’est au meilleur qu’abrutissante et au pire risible au sein de Trance.
Arrivera peut-être un jour où Danny Boyle se rendra compte qu’il est vain de vouloir « costumiser » ses films et que la mise en scène (et la postproduction) se pense avec le récit. Et si ce jour arrive, en évitant avec chance son sentimentalisme de bon aloi, on peut s’attendre à un sacré film.