The Program

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A la manière d’un précédent film, « Héros malgré lui » (1992), Stephen Frears s’attaque au portrait au vitriol d’une ex-idole du cyclisme. Pas très reluisant !

Ce très beau film de Stephen Frears n’est pas seulement un film sur le cyclisme et le Tour de France, mais une enquête sur la folie de la toute puissance qui gangrène notre monde à la dérive. En adaptant librement le livre du journaliste David Walsh, Sept péchés capitaux, À la poursuite de Lance Armstrong, Stephen Frears encore une fois s’inspire de l’actualité et de notre société pour faire œuvre en quelque sorte de moraliste plein d’humour. Il est vrai que le personnage de Lance Armstrong, magnifiquement interprété par Ben Foster, est fascinant.

Texan élevé dans le culte du succès, shooté aux amphétamines de la gloire et de la puissance dès l’enfance, terrassant un cancer des testicules et devenant une machine à gagner sept Tours de France d’affilée, Lance Armstrong devient à partir de 1999 une icône du sport international qui fascine toutes les générations jusqu’à ce que David Walsh, rédacteur en chef du Sunday Times, nommé meilleur journaliste britannique en 2012, nous plonge dans les treize années d’investigation qui lui ont permis de révéler l’utilisation de produits dopants par le sportif américain. Pressions, marginalisation dans le milieu du cyclisme, autant d’obstacles qui n’ont pas empêché le reporter de faire éclater la vérité. Et non sans mal comme on le voit bien dans le film. Car si The Program inventorie tous les stratagèmes mis en place par le staff du coureur cycliste américain pour qu’il gagne à tous les coups, et tous les coups étaient permis en plus de la drogue et des moyens de la dissimuler aux enquêteurs sanitaires, il ne fait pas seulement le procès d’un sport disqualifié par la pression des médias et de la finance internationale. The Program, et Stephen Frears le reconnaît lui-même, enquête aussi sur l’omerta que les journalistes ont aussi subie pour ne pas dévoiler le pot-au-rose qui risquait de mettre à mal cette formidable machine à faire du fric, qui s’appelle le Tour de France. Il s’en est expliqué au magazine Première en ligne (11 septembre 2015) : « D’après ce que j’ai compris, la presse française a été plutôt honorable, même si les journaux spécialisés, surtout dans le cyclisme, étaient tenus au secret par leurs financiers. Je ne me souviens plus du nom du propriétaire de L’Equip (Groupe Amaury), mais c’est aussi celui qui organise le Tour de France ! L’indépendance de la presse n’est jamais facile à assurer, encore moins dans un tel contexte. Pourtant, je suis sûr que leurs représentants n’avaient aucune intention de mentir. David Walsh (le journaliste qui enquête sur Armstrong dans The Program) travaillait pour Rupert Murdoch et, à un moment, Armstrong a parlé directement à Murdoch pour essayer de le faire taire. »

Maintenant que la justice, après un très long procès, l’a déchu de ses titres, comment les fans se comporteront-ils devant un tel film qui s’emploie à ternir jusqu’aux actions caritatives que le « héros » cycliste avait lancées pour continuer de promouvoir sa propre gloire. Car, à l’instar du personnage principal d’un précédent film de Stephen Frears, Héros malgré lui (1992), qui racontait l’histoire d’un escroc que le public prend pour un modèle, The Program montre un Lance Armstrong en machine à vaincre impitoyable et inhumaine. Film bougrement réconfortant en ces temps de duperie médiatique tous azimuts.

Titre original : The Program

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Durée : 103 mn


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