The Mist

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Sous ses abords de série B horrifique, The Mist se révèle être un pur bijou d’épouvante, d’une noirceur abyssale et d’une rare richesse thématique. Un classique en puissance.

Une tempête qui fait d’énormes ravages, une brume qui recouvre une petite ville du Maine, une poignée d’habitants bientôt piégés dans un centre commercial et un petit parfum de fin du monde qui commence à flotter dans l’air… Le décor de The Mist est planté et confine à une simplicité presque proverbiale. Un point de départ, imaginé par le célèbre Stephen King, presque théatrâl, mais idéal pour une plongée dans l’horreur la plus viscérale, et les émotions les plus noires.

Comme Mick Garris et Rob Reiner, Frank Darabont s’est trouvé assez d’atomes crochus avec le romancier américain pour adapter plusieurs de ses récits : en l’occurence, Les évadés et La ligne verte. Deux réussites, l’une artistique, l’autre publique, qui ne laissaient toutefois pas présager un film comme The Mist, aux parti-pris aussi impressionnants. Pourtant, au départ, le long-métrage ne paie pas de mine : le postulat de base, avec ses mystères et son suspense, est excitant. Mais l’idée d’un petit nombre de personnages coincés dans un lieu clos et assailli de toutes parts a déjà été vue dans deux tonnes de films, du western au film policier en passant bien sûr par l’horreur. Idem pour la brume meurtrière, immortalisée du temps de The Fog.

Là où Frank Darabont innove, c’est en accordant une place primordiale aux personnages et aux thématiques en marge de la trame fantastique : ainsi, via le personnage de madame Carmody, une vieille bigote transformée en fanatique prédisant l’Apocalypse à une foule apeurée, The Mist attaque de front l’extrêmisme religieux et l’embrigadement individuel, qui touche même les non-croyants. Le récit n’épargne pas non plus les mentalités plus matérialistes : nombreux seront ceux qui, ne pouvant croire à l’irruption du surnaturel dans leur vie, se risqueront à quitter le supermarché, dernier bastion d’une réalité tangible. Enfin, l’ombre de l’armée et des manipulations étatiques plane sur tout le film. Elle achève de faire de l’oeuvre une métaphore dérangeante de la guerre moderne et de ses conséquences sur les populations civiles.

L’horreur à hauteur d’homme

Malgré cette richesse thématique, The Mist n’oublie pas pour autant d’être un excellent film d’épouvante. L’immersion dans ce monde de cauchemar est saisissante et passe par un dévoilement progressif de l’horreur de la situation. A ce petit jeu du "bouh fais-moi peur", Frank Darabont dépasse nos espérances, en partant d’un principe de réalisme à tout prix, malgré les apparences. Ainsi, peu d’effets de style ou de mouvements de grue sont utilisés. Le cinéaste place sa caméra à hauteur d’homme, cadrant individuellement chaque protagoniste, qu’il soit caissier, soldat, avocat, mécanicien ou artiste comme le héros (Thomas Jane, dans le rôle de sa vie). Un procédé qui permet à chacun d’exister , de susciter l’empathie, en toute cohérence : un petit exploit dans un genre où le casting n’est souvent réduit qu’au statut de victime sans consistance.

Une tactique qui s’avère de plus payante vu le concept de l’oeuvre. Comment ne pas se mettre à trembler lorsque les héros décident de tenter une sortie à travers la brume et ses mystères ? Comment ne pas compatir à la mort atroce et brutale d’un personnage devenu, le temps de quelques scènes, si attachant ? Ce dispositif, Frank Darabont s’y tient de bout en bout, reléguant l’indicible, par définition l’invisible, au hors-champ, puis ne le dévoilant que fugacement, lors de séquences sous haute tension. Il suit en cela les préceptes de ses prédécesseurs, de Jacques Tourneur à John Carpenter (réalisateur… de The Fog, tiens, tiens). Sans trop en révéler, certaines créatures sont d’ores et déjà appelées à entrer au panthéon des monstres les plus terrifiants vus au cinéma.

The Mist ne serait in fine qu’une série B réussie de plus, ce qui n’est déjà pas si mal, si Frank Darabont, également scénariste, n’avait imaginé une nouvelle fin pour le récit de Stephen King. Dans son dernier quart d’heure, l’histoire atteint des tréfonds de noirceur et de nihilisme proprement stupéfiants pour une production de cette envergure. A la faveur d’un dénouement imprévisible à la Twilight Zone, The Mist prend une toute autre ampleur, aidée alors par la musique dissonante et mystique de Mark Isham, et la voix envoûtante de Lisa Gerrard. On reste lessivé, vidé, comme après un grand huit émotionnel. Radical, impressionnant, ce final achève de faire de The Mist un classique en puissance, à ranger aux côtés des Shining, Simetierre et autre Dead Zone, avec les meilleures adaptations de Stephen King. Vous voilà prévenus : sous ses dehors de série B horrifique, se cache une oeuvre ô combien transgressive et réjouissante, qui devrait vous hanter pendant longtemps…

Titre original : The Mist

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Durée : 137 mn


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