The Homesman

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Prenant goût à la réalisation et au western, Tommy Lee Jones nous livre ici un film plein d’amour, d’humanité et de rédemption.

Palmé, pas palmé ? Pourtant, la Palme d’Or, ce serait bien ce qui pourrait arriver de mieux à ce film à tous points de vue remarquable. D’abord parce qu’il installe le talent indéniable comme réalisateur de l’acteur Tommy Lee Jones déjà remarqué en 2005 avec Trois enterrements au festival de Cannes par le prix d’interprétation et le prix du scénario décerné à Guillermo Arriaga. Passant de la terre ocre, sombre et macabre du Texas à l’ambiance des grands espaces de l’Ouest américain en hommage à la beauté crépusculaire du cinéma de John Ford ou à l’humanisme d’un Clint Easwood, le film en devient lumineux et salvateur. Par ce travail éclairé sur le style western, et passant d’un scénario très construit pour Trois enterrements à la fluidité narrative de The Homesman, inspirée directement du roman de Glendon Swarthout, Tommy Lee Jones parvient en plus à nous émouvoir par une très belle histoire d’amour dont nous ne dirons mot. Le réalisateur s’avère, en outre, être un parfait connaisseur de l’espace en proposant une comparaison permanente entre la roulotte-cellule dans laquelle sont recluses trois aliénées qui vont être conduites en Iowa et les grands espaces de l’Ouest américain, pris entre soleil, neige et intempéries dans une sorte de road-movie avant l’heure. L’espace est ouvert et l’aliénation fermée, cette aliénation qui nous guette tous et qui hante tous les personnages sensibles du film malmenés par la vie.

 

En mettant en scène une fermière rigoriste du Nebraska (remarquable Hilary Swank interprétant la sévère Mary Bee Cuddy) et un type de l’Ouest peu recommandable qu’elle sauve de la pendaison et qui accepte de l’accompagner seulement par appât du gain (magnifique Tommy Lee Jones dans le rôle de George Briggs), Tommy Lee Jones réussit à concilier les inconciliables dans une approche toute psychologique. Bien loin des personnages à la Men in black auxquels il nous avait habitués, Tommy Lee Jones parvient à créer un monde de femmes et sa présence dans l’aventure, en tant qu’homme fruste et cynique, n’est cependant pas déplacée. Au contraire, il parvient peu à peu à se montrer, sinon tendre, du moins humain dans ses relations avec les trois « folles » que certains critiques trouvent trop caricaturales. Il faut cependant s’imaginer au XIXe siècle et considérer que la place de la femme et la vision de la folie n’étaient pas les mêmes que de nos jours. Le jeu outrancier semé de cris et de gestes désordonnés n’est sans doute que la réminiscence de la manière de jouer dans les westerns des années 50.

En faisant se rencontrer deux cœurs solitaires et brisés – Mary Bee Cuddy qui ne trouve pas de mari et George Briggs vieil ours solitaire – le scénario a une idée de génie. On le constate au début lorsque Mary Bee Cuddy dresse une belle table pour demander la main d’un cow-boy qui la lui refuse. Quant à George Briggs, il est trop bancal et aventurier pour donner son cœur à une femme. Pourtant, le voyage les rapprochera peu à peu et ils finiront par se donner l’un à l’autre dans une des plus belles séquences du film, sous le regard étrange des trois femmes assises sur le sol devant leur roulotte. Une autre scène lui fait pendant quelque temps après : lorsqu’elles ont faim et qu’il se rend pour demander à manger dans une auberge neuve et pimpante, et où on les rejette. Enfin, lorsque George Briggs achèvera sa mission et livrera son convoi de femmes à l’épouse du pasteur, géniale Meryl Streep même si on la voit très peu, il portera alors vraiment son nom de Homesman, « rapatrieur », qui a achevé son devoir et se voit récompensé par une bénédiction.

 

Le temps d’un film, comme dans une pièce de Shakespeare, chaque acteur aura alors joué son rôle et donné du sens à ce qui n’en avait pas auparavant, d’où cette folie des femmes du village nommé justement Loup, hanté par la souffrance et la violence, un pays où l’argent de la banque perd tout à coup toute sa valeur. Une métaphore réussie sur la rédemption par l’amour qui peut sauver même une brute, comme ce fut le cas pour Zampano dans La Strada de Federico Fellini.

A lire aussi la chronique cannoise du film par Stéphanie Chermont.
 

Titre original : The Homesman

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Durée : 122 mn


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