Summertime

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Film entre documentaire et fiction sur le courage d’un garçon exemplaire qui veut protéger sa famille de la crise dans une Amérique profonde qui ne croit plus aux miracles.

Les films indépendants sont en passe de constituer le renouveau du cinéma américain, et c’est plutôt une bonne nouvelle. Ici, Matthew Gordon nous livre un presque sans-faute (à la différence de Evan Glodell récemment avec Bellflower, qui présentait un peu trop les défauts de ses qualités). En effet, Matthew Gordon a un parcours intéressant. Venu de la télévision avec notamment un documentaire sur la guerre entre la Serbie et la Bosnie en 2000, Novi Sad, ou un reportage en immersion dans la police de Memphis, il passe à la fiction en 2005 avec The Honeyfields (21 min.) après avoir repris des études dans une école de cinéma.

C’est au cours de ces études à Los Angeles qu’il rencontre Brad Ingelsby et qu’il commence à réaliser des courts métrages à Riverside (Californie), sur des personnes un peu en marge de la société. Ce fut le premier jet de ce long métrage de 73 minutes qui sort maintenant en France et qui raconte une histoire de tendresse et de courage dans un milieu défavorisé du Mississippi. Pourquoi cette région qui semble, si l’on se souvient bien, être le berceau des mythologies de l’Amérique avec son fleuve quasi sacré, Huckleberry Finn et autres légendes ? Parce que la crise est passée par là, « faisant du Mississippi la région la plus pauvre de tous les États-Unis, avec le taux de chômage le plus haut », selon le réalisateur. Ce choix n’est donc pas anodin, puisqu’il sert des images magnifiques, servies par des acteurs non professionnels sublimes, comme le héros, le très photogénique William Patrick Ruffin, qui a très bien su apprivoiser la caméra et qui fera sans doute carrière à la manière de Gaspard Ulliell, découvert en France par André Téchiné. Il interprète le rôle du tendre Robbie, le puîné de la fratrie Hendrick abandonné par la mère. Il vit dans une bicoque en bois avec son jeune demi-frère Fess et sa vieille grand-mère en attendant le retour du grand frère, Lucas, qui finira par retourner en prison, mais surtout de la mère qui, elle, ne reviendra jamais.

Pas de quoi faire un scénario original ? Il faut se garder de porter des jugements hâtifs car le film s’applique, par la photo de Jeffrey Waldron qui filme chaque personnage, chaque fleur, chaque brin d’herbe ou irisation de l’eau qui jaillit de la douche comme une œuvre d’art, et par le jeu libéré des acteurs, à créer un monde à la fois perdu et plein d’espoir. Le film doit d’ailleurs beaucoup à la technique narrative du documentaire, tout en restant vraiment un film de fiction hyperréaliste. « Nous voulions une lumière la plus naturelle possible, déclare le réalisateur, pour mettre au mieux en avant le contraste entre l’espoir de Robbie et les événements cruels qui jalonnent sa vie et celle de sa famille. » On pense à l’univers du western par moments, aux peintures d’Edward Hopper et aux images littéraires de John Steinbeck. Le réalisateur aurait pu succomber à la mode de la violence qui est censée dénoncer la misère en milieu urbain ou rural. Rien de tout cela ici. Un jeune garçon, qui aurait pu inspirer tout aussi bien Pasolini, tente de sortir de sa condition et, s’il chaparde, ce n’est jamais franchement délictueux, mais pour se sortir de sa situation, ou pour amuser son petit frère (notamment avec les pièces limées pour faire tomber le Coca des machines à sous à moindre frais). Il faut dire, et c’est peut-être le côté un peu angélique du film (nous sommes dans une campagne retirée de tout), que la police est particulièrement indulgente dans ces contrées.

Ce film très intéressant et émouvant, qui ne passera pas inaperçu, est aussi une affaire de famille, selon les propres termes de Matthew Gordon : « Tous les membres de ma famille et mes amis ont participé, de près ou de loin, à rendre ce film possible. J’ai aussi investi personnellement de l’argent dans la production. Ce film a été un long et difficile challenge mêlant travail et amour. Mais peut-être que l’amour donne le meilleur travail au monde ! » Après avoir vu ce très beau film, nous n’en doutons plus.
 

Titre original : The Dynamiter

Réalisateur :

Acteurs : ,

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Durée : 73 mn


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